J'achève
aujourd'hui un stage de cinq jours complets et denses à l'IRHT
(Institut de Recherche et d'Histoire des Textes, qui dépend du CNRS)
sur le manuscrit médiéval. Conférences théoriques et ateliers
pratiques en petits groupes se sont succédés, traitant aussi bien
de l'aspect matériel du livre médiéval (parchemin, reliure, encre,
etc.), des écritures, de la décoration, de l'iconographie, des
sujets abordés dans les livres, des bibliothèques médiévales, des
bases de données et de la bibliographie utiles aux recherches sur ce
sujet, etc., sans oublier une demi-journée en bibliothèque où nous
avons pu voir de véritables manuscrits médiévaux ; le tout ponctué
de délicieuses pauses gâteaux, et organisé par de grands
spécialistes du manuscrit médiéval pleins de gentillesse, de
proximité et d'humour...
J'aimerais
consacrer un ou plusieurs articles à vous raconter dans le détail
nombre de choses passionnantes que j'ai apprises lors de ce stage,
mais le temps me manquerait. J'ai donc décidé, fidèle au titre de
ce blog, de vous en offrir seulement quelques fleurs : pour
chacun des cinq jours du stage, une toute petite fleur minuscule
cueillie au milieu d'un champ multicolore !
- Le premier jour, j'ai appris que les manuscrits sur rouleau se lisaient en les déroulant horizontalement dans l'Antiquité, verticalement au Moyen Age.
- Le deuxième jour, j'ai découvert que le point commun entre l'écriture gothique et l'architecture gothique est qu'elles se fondent sur des éléments de base (dans les deux cas, des formes verticales allongées) grâce auxquels ont peut presque tout construire.
- Le troisième jour, j'ai appris qu'un certain type de décor sur les manuscrits, consistant en une série de petits cercles alignée entre deux lignes de filigranes, s'appelle « œufs de grenouille », et que ces œufs de grenouille peuvent être « fertilisés » (ornés d'un point au centre du cercle), mais seulement dans les manuscrits fabriqués dans le nord de la France.
- Le quatrième jour, j'ai vu sur la première page d'un manuscrit de la Bible à la Bibliothèque Mazarine les mots du copiste s'adressant à moi : « Lege felix », c'est-à-dire « Lis heureux » (que l'on pourrait traduire par « Bonne lecture ! »).
- Le cinquième jour, j'ai appris que les cotes des manuscrits de la collection Cotton de la British Library ne portent pas seulement des numéros, mais des noms d'empereurs romains (« Tiberius », « Nero », « Caligula », etc.), parce que Sir Cotton, le premier possesseur de la collection, distinguait ainsi les différentes travées de sa bibliothèque, qui étaient chacune surmontée du buste d'un empereur romain.
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Post-scriptum :
Ce
n'est pas par hasard que les manuscrits sur rouleau se lisaient en
les déroulant horizontalement dans l'Antiquité, verticalement au
Moyen Age. Dans l'Antiquité, c'était le support habituel de tout
livre ; or, il est tout simplement plus facile d'enrouler vers
la gauche avec la main gauche et de dérouler vers la droite avec la
main droite, que de le faire vers le haut et vers le bas. Au Moyen
Age, le support habituel des livres est le codex, le livre relié tel
que nous le connaissons encore aujourd'hui ; le rouleau est
réservé à des usages exceptionnels où il peut être intéressant
d'avoir une page unique continue (donc forcément déroulement
vertical) : par exemple, des comptes, des chroniques, une
généalogie.
Quant
aux yeux de grenouilles, on ne sait pas du tout pourquoi les artistes
les dessinaient fertilisés dans le nord de la France et pas dans les
régions plus méridionales ! Mais cela nous fournit un argument
possible pour localiser la production d'un manuscrit (et la dater, car ce type de décor n'apparaît qu'à partir de 1260 environ).
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Cet
article ne serait pas complet sans un renvoi au fantastique site
internet de l'IRHT :
Les
catégories « Bases de données » et « Outils »
(actuellement sur la partie gauche de la page d'accueil) vous donnent
accès à des bases de données et à des outils entièrement conçus
et réalisés par des chercheurs de l'IRHT : bases de textes
contenus dans les manuscrits, bases iconographiques, bases sur
l'histoire de chaque manuscrit, etc. ; outils comme des
dictionnaires de termes utiles, des équivalences entre le calendrier
médiéval et le nôtre, etc.
Le corpus visé est l'ensemble des
manuscrits médiévaux du monde entier ; objectif qui est bien
sûr loin d'être atteint, mais les bases de l'IRHT sont actuellement
les plus riches du monde. Inutile de vous dire que plusieurs
chercheurs de l'IRHT travaillent à plein temps à les enrichir,
quantitativement et qualitativement, et à rendre de plus en plus
pratique et confortable la navigation au sein de ces bases de données
et entre elles.
Bonne
navigation !
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