C'est le lapsus d'une
élève, me parlant de « liste d'amis » au lieu de
« liste d'ennemis » qui m'a fait prendre conscience du
rapport lointain que l'on pourrait établir entre les « amicales »
listes de Facebook et les beaucoup moins amicales listes des
proscriptions chez les Romains.
Il s'agit d'une horrible
pratique qui eut lieu dans les années troublées des guerres civiles
du Ier s. av. JC. Un homme prenait le pouvoir par la force, et il
faisait afficher dans tous les lieux publics des listes de noms.
Toute personne dont le nom figurait sur la liste pouvait être tué
par n'importe qui sans que ce dernier soit accusé de crime. Un moyen
simple, rapide et efficace pour éliminer ses ennemis.
Mais de même que les
listes de Facebook sont loin de ne contenir que de véritables amis,
de même les proscriptions ne contenaient pas que de véritables
ennemis. On pouvait avoir un intérêt financier ou politique pour y
faire figurer un nom. Ainsi, l'un des premiers plaidoyers de Cicéron,
le Pro Roscio, magistralement
mis en images par le docu-fiction de la BBC L'Affaire
Sextus, montre comment un homme
a été rajouté sur les listes de proscriptions du dictateur Sylla
uniquement parce qu'un proche de ce dernier espérait récupérer
ainsi son héritage! Quand à Cicéron lui-même, il fut sacrifié à
l'autel d'une alliance politique, celle d'Octave et d'Antoine : pour
sceller cette alliance, chacun d'eux exigea de l'autre qu'il fasse
figurer sur leur liste de proscription commune un de ses anciens alliés. Octave sacrifia Cicéron à Antoine, qui n'avait notamment pas
apprécié que Cicéron, dans un de ses violents discours contre lui,
lui enjoigne en public d'aller cuver son vin (« Edormi
crapulam! », Philippiques, "discours II", XII 30)!
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