Je sursaute toujours en entendant
parler des « Acadiens », je crois qu'il s'agit des
« Akkadiens » de ma chère Mésopotamie, puis je suis
déçue : il n'est question que d'Américains! Toutefois, je me suis
toujours demandé s'il n'y avait pas un rapport.
J'ai enfin eu la réponse. Non, mais
c'est quand même intéressant! L'origine des « Acadiens »
a bien trait à l'Antiquité, mais pas mésopotamienne.
En 1524, Giovanni Verrazano,
navigateur florentin au service de François Ier et soutenu
financièrement par des banquiers italiens de Lyon et d'autres villes
de France, atteint une région à laquelle il donne le nom
d' « Arcadie », nom qui se transforme vite en
« Acadie ».
Alors, pourquoi « Arcadie »?
Il s'agit d'une région montagneuse de la Grèce centrale. Cette
région a surtout été idéalisée par des poètes grecs comme
Théocrite, poète grec du IIIe s. av. JC, qui écrit un recueil de
Bucoliques, c'est-à-dire
« Bouviers », les bouviers étant considérés comme les
plus nobles des bergers. Dans ces poèmes, il est certes question de
vaches (et aussi de chèvres et de moutons), mais surtout de jeunes
bergers et bergères pleins de grâce, de leurs chants et de leurs
amours. De nombreux auteurs antiques reprendront ce thème de la vie
idéalisée et de l'amour simple et naïf des bergers (parmi
les plus célèbres, le roman de Longus, Daphnis et Chloé,
ou encore le recueil de poèmes Les Bucoliques (aussi!) du
poète latin Virgile). Puis les XVIe, XVIIe et XVIIIe s. européens
verront exploser le thème dans la peinture, la poésie, les romans
(L'Astrée d'Honoré
d'Urfé), les opéras, les chansons (« Il pleut bergère »),
etc. Or, dans la plupart de ces oeuvres, les bergers en question sont
situés en Arcadie, non pas la vraie Arcadie, mais une région tout
aussi idéalisée que le sont les bergers qui la peuplent. C'est le
cas par exemple dans ce tableau de Poussin que j'aime énormément et
précisément intitulé Les Bergers d'Arcadie!
Des bergers y déchiffrent une inscription latine sur un tombeau :
« Et in Arcadia ego » (mot à mot « Même en
Arcadie moi », c'est-à-dire, « Même en Arcadie, je suis
là »), variation des tableaux de Vanités, introduisant la
présence de la mort même au milieu du cadre le plus idyllique.
Pour
le Florentin du début du XVIe s. qu'était Verrazano, on est en
pleine redécouverte de l'Antiquité, le thème de l'Arcadie heureuse
n'est pas encore un cliché éculé, mais une image pleine d'espoir!
L'histoire
de l'Acadie par la suite a été mouvementée, comme vous le savez ou
comme vous le découvrirez en lisant d'autres articles sur la toile
ou ailleurs (car je suis peu compétente en histoire de l'Amérique).
Aussi, si les Cajuns de Louisiane savent qu'ils se rattachent aux
Acadiens d'Acadie et que ceux-ci puisaient leurs origines en France,
ils se souviendront aussi que, par leur nom, ils se rattachent au
Arcadiens de l'Antiquité grecque (mais pas aux Akkadiens de la
Mésopotamie!) et que leur harmonica n'est peut-être pas si éloigné
de la flûte de Pan des bergers d'Arcadie...
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