jeudi 23 mai 2013

Louise Vernet



Aujourd'hui, je vais vous parler d'une petite jeune fille apparemment effacée et qui pourtant se révèle presque un pivot de l'histoire de l'art en France au début du XIXe s.
Au commencement, il y a deux tableaux, situés à une dizaine de mètres de distance au Musée du Louvre. Le premier représente une petite sauvageonne de 4 ou 5 ans, les chaussettes en accordéon et les joues roses d'avoir couru dans le jardin, qui serre contre elle un chat qui semble son tigre apprivoisé et qui lance au peintre un regard de défi. Le deuxième, une quinzaine d'années plus tard, représente une jeune cruche au regard totalement inexpressif, vêtue et coiffée comme si elle était un objet d'art.




Puis un troisième tableau, habituellement à Nantes, mais qui pour quelques mois s'est rapproché des deux autres, puisqu'il figure dans l'exposition « L'ange du bizarre : le Romantisme noir au XIXe s. » (que je vous recommande vivement par ailleurs!!!) au Musée d'Orsay. Très dérangeant, il représente une jeune femme sur son lit de mort, sa beauté lumineuse rendue malsaine par la couleur blanche de sa peau et par l'aspect ridicule que la mort donne à sa bouche ouverte et à son œil clos, étrangement surmontée d'une auréole.



Or il s'agit bien de la même personne, Louise Vernet, éternisée à trois moments clés de sa vie : l'enfance, la jeunesse et la mort (il n'y aura pas de vieillesse, la pauvre est morte à 31 ans). Ce fait est déjà assez remarquable en soi. Mais ce n'est pas tout.
Les trois tableaux sont l'œuvre de trois peintres différents, tous célèbres (même si le premier l'est un peu plus que les deux autres). Or, chaque peintre a peint une Louise qui ressemble à son style de peinture :
  • Théodore Géricault, le peintre de la beauté animale, des chevaux, des tigres et des hommes aux muscles tendus, a peint une petite bien en chair, pleine de sève et d'énergie, prête à bondir griffes tendues comme son petit fauve.
  • Horace Vernet a peint sa fille avec autant de minutie, mais aussi de froideur, que ses scènes de batailles, dont Baudelaire, qui détestait ce peintre, disait : « M. Horace Vernet est doué de deux qualités éminentes, l'une en moins, l'autre en plus : nulle passion et une mémoire d'almanach ! Qui sait mieux que lui combien il y a de boutons dans chaque uniforme, quelle tournure prend une guêtre ou une chaussure avachie par des étapes nombreuses! » (Salon de 1846)
  • Paul Delaroche, le peintre romantique, qui fait pleurer la ménagère de moins de 50 ans avec sa manière pathétique de représenter des scènes historiques ou mythologiques, a peint son épouse neuf ans après sa mort comme une sainte dont la mort édifiera les foules (exactement comme il peindra l'année suivante, son tableau le plus célèbre, La Jeune martyre, aux airs d'Ophélie, mais surmontée aussi d'une auréole – et qui est, paraît-il, une représentation de sa fille, morte encore plus prématurément que sa mère).
Face à ces tableaux, je me demande où est la véritable Louise. Elle est si différente dans ces trois tableaux! Est-ce dû à son évolution personnelle, à ses propres changements, ou à l'œil de chacun des peintres? La question est d'autant plus compliquée que chacun des peintres a une relation très forte avec Louise : Horace Vernet est son père ; Paul Delaroche son mari et amoureux ; quant à Géricault, c'est un ami de la famille avec qui, malgré les 23 ans de différence, un rapport de séduction n'est pas exclu, comme souvent entre une petite fille et un ami de la famille célibataire. Il était d'ailleurs encore fort bel homme dans les années 1820 ; il se tuera d'une chute de cheval en 1824, quelques années après le portrait de Louise, alors qu'elle a dix ans : nul doute que cela ait marqué la petite fille...

On peut rêver des heures sur ces trois tableaux. 

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On peut aussi creuser encore l'histoire de Louise. En effet, il existe encore d'autres représentations d'elles :
  • une statuette d'elle portant dans ses bras son fils Horace bébé, par Jean Auguste Barre, conservée également au Louvre : là encore, elle est dans un rôle, celui de la Madone à l'enfant.



  • un autre portrait (mais présumé) par Paul Delaroche, assez charmant : vue de dos, le visage de profil, elle hume une rose ; si c'est bien elle, c'est sans doute le portrait qui semble le plus naturel. Ce tableau apparaît sur des sites de ventes aux enchères ; il n'est donc pas visible dans un musée.



  • un dessin d'un autre peintre célèbre, Ingres. Visiblement très contemporain de celui de Vernet ; Louise porte la même robe (avec un foulard en plus et une coiffure moins compliquée) et le même air cruche. Ce dessin est conservé dans la collection privée Ian Woodner aux États-Unis.



  • un affreux portrait d'un certain Adolphe Yvon, apparemment plus porté sur la peinture militaire, où elle apparaît comme une bourgeoise stupide.

     
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Vous trouverez tout cela en tapant simplement « Louise Vernet » dans un moteur de recherche d'images.
Vous trouverez aussi que ce n'est pas que des peintres qu'elle a été la muse. Alors qu'elle avait accompagné à Rome son père, nommé directeur de la Villa Médicis entre 1828 et 1833, elle y rencontra un de ses pensionnaires célèbres, Hector Berlioz, dont elle chantait volontiers les airs au piano et qui lui a dédié la mélodie qu'il a composé sur « La Captive », un poème de Victor Hugo, dont j'aime imaginer Louise chanter le dernier couplet :
« Mais surtout quand la brise
Me touche en voltigeant,
La nuit, j’aime être assise,
Être assise en songeant,
L’œil sur la mer profonde,
Tandis que, pâle et blonde,
La lune ouvre dans l’onde
Son éventail d’argent. »


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samedi 4 mai 2013

Hermès et Kirikou

Je suis retombée l'autre jour sur L'Hymne homérique à Hermès. C'est un poème grec anonyme très ancien, qui fut un temps attribué à Homère (de même que d'autres « Hymnes homériques »), d'où son nom. Il s'agit d'un petit conte mythologique court et drôle (qui a d'ailleurs servi de point de départ à l'excellent Feuilleton d'Hermès de Mireille Szac, que je ne saurais trop recommander à tous les parents de jeunes enfants).
Or, en le relisant, j'ai été frappée par la similitude entre le personnage d'Hermès tel qu'il apparaît dans cette œuvre et le personnage de Kirikou tel que l'a conçu Michel Ocelot dans son dessin animé Kirikou et la sorcière. Les deux garçonnets en effet, à peine sortis du ventre de leur mère, parlent et marchent comme de grands enfants, mais gardent une petite taille. Les deux ont des idées ingénieuses à revendre. Et, de l'un comme de l'autre, on se méfie peu au début puisqu'on ne les considère que comme des bébés. Enfin, chacun a un père absent et une mère tendre et aimante. En revanche, en fait de sorcière Karaba, c'est à son grand frère le dieu Apollon que le petit Hermès est confronté ; mais, comme Kirikou, il finit par se réconcilier avec son ennemi grâce à sa générosité.
Je ne sais pas si Michel Ocelot s'est vraiment inspiré de ce texte. Si un jour lui ou une de ses connaissances tombe sur ce blog, il nous le dira peut-être...
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Références :
- Traduction française de l'Hymne homérique à Hermès (il s'agit de la traduction de Lecomte de Lisle, très littéraire, mais qui sonne parfois un peu étrangement) :
- Article sur Le feuilleton d'Hermès de Murielle Szac, où vous trouverez les références complètes et un commentaire de cet ouvrage.


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jeudi 18 avril 2013

De l'Akkadie à l'Acadie en passant par l'Arcadie


Je sursaute toujours en entendant parler des « Acadiens », je crois qu'il s'agit des « Akkadiens » de ma chère Mésopotamie, puis je suis déçue : il n'est question que d'Américains! Toutefois, je me suis toujours demandé s'il n'y avait pas un rapport.
J'ai enfin eu la réponse. Non, mais c'est quand même intéressant! L'origine des « Acadiens » a bien trait à l'Antiquité, mais pas mésopotamienne.

En 1524, Giovanni Verrazano, navigateur florentin au service de François Ier et soutenu financièrement par des banquiers italiens de Lyon et d'autres villes de France, atteint une région à laquelle il donne le nom d' « Arcadie », nom qui se transforme vite en « Acadie ».

Alors, pourquoi « Arcadie »? Il s'agit d'une région montagneuse de la Grèce centrale. Cette région a surtout été idéalisée par des poètes grecs comme Théocrite, poète grec du IIIe s. av. JC, qui écrit un recueil de Bucoliques, c'est-à-dire « Bouviers », les bouviers étant considérés comme les plus nobles des bergers. Dans ces poèmes, il est certes question de vaches (et aussi de chèvres et de moutons), mais surtout de jeunes bergers et bergères pleins de grâce, de leurs chants et de leurs amours. De nombreux auteurs antiques reprendront ce thème de la vie idéalisée et de l'amour simple et naïf des bergers (parmi les plus célèbres, le roman de Longus, Daphnis et Chloé, ou encore le recueil de poèmes Les Bucoliques (aussi!) du poète latin Virgile). Puis les XVIe, XVIIe et XVIIIe s. européens verront exploser le thème dans la peinture, la poésie, les romans (L'Astrée d'Honoré d'Urfé), les opéras, les chansons (« Il pleut bergère »), etc. Or, dans la plupart de ces oeuvres, les bergers en question sont situés en Arcadie, non pas la vraie Arcadie, mais une région tout aussi idéalisée que le sont les bergers qui la peuplent. C'est le cas par exemple dans ce tableau de Poussin que j'aime énormément et précisément intitulé Les Bergers d'Arcadie! Des bergers y déchiffrent une inscription latine sur un tombeau : « Et in Arcadia ego » (mot à mot « Même en Arcadie moi », c'est-à-dire, « Même en Arcadie, je suis là »), variation des tableaux de Vanités, introduisant la présence de la mort même au milieu du cadre le plus idyllique.
Pour le Florentin du début du XVIe s. qu'était Verrazano, on est en pleine redécouverte de l'Antiquité, le thème de l'Arcadie heureuse n'est pas encore un cliché éculé, mais une image pleine d'espoir!
L'histoire de l'Acadie par la suite a été mouvementée, comme vous le savez ou comme vous le découvrirez en lisant d'autres articles sur la toile ou ailleurs (car je suis peu compétente en histoire de l'Amérique). Aussi, si les Cajuns de Louisiane savent qu'ils se rattachent aux Acadiens d'Acadie et que ceux-ci puisaient leurs origines en France, ils se souviendront aussi que, par leur nom, ils se rattachent au Arcadiens de l'Antiquité grecque (mais pas aux Akkadiens de la Mésopotamie!) et que leur harmonica n'est peut-être pas si éloigné de la flûte de Pan des bergers d'Arcadie...

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mercredi 27 mars 2013

François-René deux siècles plus tard


Par un de ces hasards étonnants, voici que, moins d'une semaine après avoir lu et vous avoir renvoyé à l'article de Mara Goyet sur un épisode de la scolarité du jeune Chateaubriand, il m'est arrivé presque la même aventure dans un de mes cours.

J'avais pris le carnet de correspondance d'un élève qui s'était montré particulièrement pénible, pour y écrire un mot, quand l'élève, faisant appel à mon indulgence, lève les yeux vers le mur de la classe où j'affiche semaine après semaine les « phrases de la semaine » et s'exclame :
- Madame, s'il vous plaît! « Errare humanum est. »!
Je ne peux m'empêcher d'esquisser un sourire, car il est vrai que « l'erreur est humaine », et puis je suis touchée par cet appel au latin pour se sortir d'affaire, d'autant plus que cela me rappelle l'histoire de Chateaubriand. L'élève, encouragé par mon sourire, ajoute alors :
- « Bis repetita placent »!
Je suis déjà plus sceptique, car s'il veut me faire comprendre qu' « il est plaisant » que je « répète » un comportement d'indulgence que j'ai déjà eu envers lui, je pense aussi qu'il n'est guère « plaisant » qu'il « répète » les mêmes bêtises!
Pendant que je réfléchis, mon élève, emporté par son élan, repart de plus belle avec :
- « Qui bene amat bene castigat »!
Ce fut une erreur fatale.
- En effet, repris-je, « Qui bene amat bene castigat »!
Et je gardai son carnet.

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mercredi 20 mars 2013

Le récit poignant de François-René, collégien breton sauvé par le latin

Allez lire cet article du blog de Mara Goyet :

http://maragoyet.blog.lemonde.fr/2013/03/07/le-recit-poignant-de-francois-rene-collegien-breton-sauve-par-le-latin/

J'aurais voulu l'avoir écrit!

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vendredi 15 mars 2013

Proba Falconia : une troisième poétesse latine!

Vous souvenez-vous d'un des premiers articles de ce blog, où j'évoquais les écrivains romains femmes?

Je n'avais réussi à en recenser que deux et j'appelais mes lecteurs à me faire signe si vous en rencontriez d'autres. Personne ne m'a fait signe. Eh bien, tout vient à point à qui sait attendre : je viens six ans plus tard d'en trouver une troisième!

Il s'agit de Proba Falconia, une Romaine chrétienne du IVe s ap. JC. On n'a d'elle qu'un seul ouvrage, assez curieux. Il s'agit d'un centon. Un centon est une œuvre littéraire composée uniquement de passages pris à d'autres œuvres (célèbres, en général). Le centon de Proba est pour le moins original, puisque qu'elle n'a pioché ses morceaux que chez un seul auteur, Virgile, et ce pour composer un poème résumant l'Ancien et le Nouveau Testament!
Ce jeu littéraire ne lui a visiblement attiré presque que du mépris au cours des siècles, pourtant l'Oulipo aurait certainement aimé la compter dans ses rangs.

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samedi 5 janvier 2013

Basilic et estragon : attention, épices méchantes

Nous ne nous éloignons pas du thème de l'article précédent, puisque je vais à nouveau vous parler du dragon, ainsi que d'une autre créature effrayante, le basilic. Dans l'article précédent, les créatures mythiques étaient déjà descendues bien bas avec ce terne poisson qui se traîne au ras du sol marin, mais c'est encore pire dans l'exploration que je vous propose aujourd'hui, puisque deux des plus effrayantes créatures des mythologies se retrouves métamorphosées en inoffensives herbes aromatiques!

Le basilic, eh oui! Peut-être qu'en sortant du cinéma où vous aviez vu l'épisode de Harry Potter où celui-ci terrasse un basilic, vous êtes allés vous restaurer dans une pizzeria voisine où vous avez commandé une salade de tomates au basilic... Alors, quel rapport? C'est le roi, « basileus » en grec, à l'origine du prénom « Basile ». Aristote nous dit que le basilic était appelé « plante royale » ; il ne nous dit pas pourquoi, mais pas besoin d'être linguiste pour comprendre! Dans ma famille, on appelle le comté, le « roi des fromages »... Quant à la terrible bête mythique dont le regard était censé pétrifier (comme celui de la Méduse), c'était le « serpent royal » ou « roi des serpents », puisque le plus terrible de tous.

Bon, pendant que j'y suis, je fais un détour par la « basilique », parce que je sens que vous allez me poser la question. C'est une longue histoire, celle d'une forme architecturale qui change de fonction, mais pas d'aspect!
- D'abord « palais royal » (d'où ce nom) chez les Grecs très anciens, puis résidence de l'archonte-roi (fonction religieuse honorifique) à l'époque démocratique.
- Chez les Romains, c'est un vaste bâtiment avec une grande allée centrale pour flâner quant le temps est mauvais dehors et sur les côtés, sur deux niveaux, des galeries donnant sur de petites pièces abritant soit des boutiques, soit des salles de tribunal. J'y pense souvent, mutatis mutandis quand j'erre dans le centre commercial de Rosny 2, qui a exactement cette architecture et au moins deux de ces trois fonction (commerce et flânerie). 
- Les premiers Chrétiens, une fois sortis de la clandestinité des catacombes, utilisèrent ces bâtiments romains pour y pratiquer leur culte ; on a ensuite préféré le terme d' « église », mais « basilique » est resté pour les premières églises ou pour certaines que l'on a voulu signaler comme remarquables.

Revenons à nos monstres et au dragon. Si vous aviez reconnu le basilic (monstre) dans le basilic (plante), vous n'auriez peut-être pas pensé trouver un dragon dans l'estragon. C'est pourtant bien la même racine grecque, passée en français par l'intermédiaire de l'arabe, d'ailleurs, d'où sans doute le « es- », trace de l'article arabe. Je n'ai pas réussi à trouver le rapport entre estragon et dragon, mais les dictionnaires étymologiques (j'ai consulté mes deux grandes références, le Dictionnaire historique de la langue française d'Alain Rey, et le Trésor de la Langue Française Informatisé, TLFI, consultable sur internet) nous indiquent que l'estragon est de la même famille que la « serpentaire », où l'on reconnaît le même animal (serpent et dragon se mêlent beaucoup dans les légendes). Ce nom aurait été donné « par analogie de forme, d'aspect avec le serpent ou par la propriété qu'on leur attribuait de tuer les serpents ou de guérir de leurs morsures » (Tlfi). Je doute fort de la dernière hypothèse, qui sent plutôt la légende construite après coup. L'analogie vient à mon avis de ce que la serpentaire est une plante « à tiges rampantes » (ibid). En effet, comme j'aime les herbes aromatiques, j'ai pensé aussi au serpolet, et là, bingo, les deux dictionnaires en donnent une origine très claire : « serpolet » a la même racine que « serpent » ; cette racine, « *serp » en latin et « *herp » en grec (d'où l' « herpès », eh oui!) signifie « ramper ». De fait, l'herpès rampe insidieusement au bord de nos lèvres et le serpolet rampe entre les rochers, la serpentaire aussi. L'estragon, pas trop. En revanche, il paraît (d'après l'article « estragon » de Wikipédia) que ses racines ont la forme d'un serpent. J'avoue n'avoir jamais arraché un plant d'estragon. Mais il y a sûrement parmi vous de meilleurs botanistes que moi qui pourront me confirmer ce fait.


En tout cas, la prochaine fois que vous assaisonnerez vos plats avec du basilic ou de l'estragon, vous songerez un peu aux monstres terrifiants qui s'y cachent...


Je pourrais finir là, mais je ne résiste pas au plaisir de vous faire partager une très jolie fleur cueillie sur le chemin (dans les citations proposées par le Tlfi). C'est une phrase extraite du très beau roman de Lamartine, Graziella (1849), que j'ai pourtant déjà lu deux fois avec plaisir, mais sans avoir remarqué cette phrase sublime :
« Je vis qu'elle avait le blanc des yeux plus humide et plus brillant qu'à l'ordinaire, et qu'elle froissait entre ses doigts et brisait une à une les branches d'une plante de basilic qui végétait dans un pot de terre sur le balcon. »


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jeudi 13 décembre 2012

Pegasus Draco

Vous vous souvenez du vieux dictionnaire de mon grand-père, de B. Dupiney de Vorepierre (1873)? J'y avais découvert ce superbe article sur le collimateur :
http://cheminsantiques.blogspot.fr/2011/11/le-collimateur-alors-que-je-feuilletais.html

Je ne m'y plonge pas souvent, mais quand je le fais, j'ai du mal à en émerger, tant je suis captivée par la beauté et l'aspect surprenant des gravures, tant celles illustrant d'étranges machines aujourd'hui disparues (je suis tombée ce matin sur un tourniquet à faire les garrots!) que celles d'histoire naturelle : c'est l'une de celles-ci qui m'a retenue et dont je voudrais vous parler.

Il s'agit d'une gravure représentant un animal extraordinaire, effrayant et magnifique à la fois, sorte d'iguane aux ailes de chauve-souris (il s'avère en fait que c'est un poisson), et dont le nom m'a tout autant stupéfiée que l'apparence : « Pegasus draco »! Le Pégase dragon! La réunion de deux des animaux légendaires les plus fascinants! Voilà un nom qui sonne (et qui sonne bien mieux en latin qu'en français, d'ailleurs, mais cela, c'est habituel)!

Je décide aussitôt de scanner cette gravure pour vous, mais auparavant, d'aller faire un petit tour sur internet, histoire de voir à quoi ressemble la bestiole en photographie couleur.

A ma grande surprise, en tapant « pegasus draco » dans « Google image », je trouve très peu de photographies, mais un certain nombre de gravures, pas celle du « Dupiney », mais visiblement contemporaines à quelques décennies près. J'en trouve même une tellement belle que je décide d'épargner à mon « Dupiney » l'épreuve un peu rude du scanner et de vous copier plutôt celle-là. Il provient d'un dictionnaire allemand, le Meyers Großes Konversations-Lexikon, Band 13 (publié à Leipzig en 1905 ou 1908), p. 533.






Références précises ici :
http://www.zeno.org/Meyers-1905/A/Meerdrache
et page originale ici :
http://www.zeno.org/Meyers-1905/K/meyers-1905-013-0533



Une recherche un peu plus poussée m'a fait comprendre que le nom scientifique officiel retenu n'était plus « Pegasus draco » (d'où la prédominance des gravures sur les photos modernes en tapant ce nom), mais « Eurypegasus draconis » (« Large pégase du dragon »). Si vous voulez tout savoir sur la bestiole, allez à cette page :
http://doris.ffessm.fr/fiche2.asp?fiche_numero=405

J'ai pu constater alors que les photos sont très décevantes. Pegasus Draco (je continue entre nous à l'appeler ainsi), loin de bondir ou de jaillir dans l'élément marin comme l'auraient fait ses deux parrains, passe son temps vautré dans le sable, dont il adopte la couleur par mimétisme : tout cela fait de vilaines photos. Quelques photographes ont sauvé la mise en le photographiant de nuit avec un gros flash, mais finalement, rien n'est aussi spectaculaire que les bonnes vieilles gravures du XIXe ou du début du XXe siècles ; aussi, je vais retourner rêver dans les pages au doux parfum de papier ranci de mon vieux dictionnaire.


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jeudi 29 novembre 2012

Le plan de métro de l'Empire romain

Connaissez-vous la table de Peutinger? Oui? Non? Bon, je vous résume de quoi il est question.

L'objet matériel que nous possédons date du XIIIe s., le nom de Peutinger vient de l'humaniste du XVIe s. qui l'a possédé et étudié. Mais surtout, c'est la copie d'un document antique, dont on ne peut vraiment dater un « original », vu que plusieurs versions se sont succédées avec des mises à jour partielles (ce qui fait qu'on y voit à la fois Pompéi, détruite en 79 ap. JC et Constantinople, fondée en 328 ap. JC!).

De quoi s'agit-il? Une carte de l'Empire romain... Eh non! Pas une carte! En effet, les distances, les proportions, les directions ne sont pas respectées, et c'est à dessein, car le but est d'indiquer des itinéraires pour les voyageurs. Si on avait voulu représenter tout l'Empire romain avec les bonnes proportions, il aurait fallu un document immense, impossible à plier ou à rouler, tandis que là, c'est un assemblage de douze parchemins mis bout à bout, qui devait être aisé à rouler.

Pour mieux comprendre le principe, vous pouvez penser à un outil moderne qui utilise la même méthode que la table de Peutinger : il s'agit de ces plans de lignes de bus ou de métro, que vous avez dans le véhicule lui-même, souvent au-dessus de la porte : l'itinéraire d'un terminus à l'autre y est représenté par une ligne droite, alors que le trajet réel fait des courbes, la distance entre les stations y apparaît égale, alors qu'elle peut être très variable, surtout entre le centre-ville et la banlieue. Pourtant, le voyageur comprend : il n'a pas besoin d'une vraie carte, mais d'un outil pratique qui lui permette de retrouver son itinéraire. C'est exactement le principe de la table de Peutinger.

Pour plus d'informations, voyez la page « Wikipédia » sur la table de Peutinger, qui est plutôt bien faite.

Ajout le 29 août 2013 :
Ou plutôt, pour aller plus loin et comprendre quelle était probablement la véritable fonction de la Table de Peutinger, je vous invite à consulter l'article qui y est consacré dans le blog de Philippe Cibois, La question du latin :
http://enseignement-latin.hypotheses.org/4459 

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Si je vous en parle aujourd'hui, c'est pour vous signaler l'existence d'un site internet remarquable, qui a traité les informations de la table de Peutinger par informatique, pour en faire un site un peu semblable à ce qu'est le site « Vianavigo » pour les Franciliens (qui vous donne un ou plusieurs itinéraires possibles en transports en commun d'un point à un autre d'Ile-de-France, avec le temps de parcours et le nom des stations). Encore une fois, me voilà à comparer le réseau routier de l'Empire romain à un réseau de métro moderne!

Bref, voici le site : « Omnesviae » (ce qui signifie « toutes les voies »)

D'abord, prenez le temps et le plaisir d'explorer la carte que les auteurs du site ont reconstituée. Vous pouvez zoomer ou prendre de la distance, c'est le même principe que sur « Google Map » ou « Google Earth ». Posez votre souris sur le point représentant une ville, vous avez son nom latin (cela vous sera utile tout à l'heure). Cliquez sur ce point, une bulle s'ouvre qui vous indique un lien vers un autre site où vous pouvez voir le détail correspondant de la vraie table de Peutinger.

Une fois que vous avez fait ce petit tour de reconnaissance, allez-y, lancez-vous! Tous les trajets sont permis! Pour moi, mon trajet préféré est celui qui va de Mandeure (en latin Epomanduo), petite ville romaine (on peut encore y voir un théâtre assez bien conservé sous sa couche de gazon) la plus proche du Pays de Montbéliard, d'où est originaire ma famille maternelle, à Babylone, ville de l'Antiquité la plus proche de Najef, d'où est originaire ma famille paternelle. Allez, vous me suivez? « Ab Epomanduo ad Babylonia » (« De Mandeure à Babylone ») (d'ailleurs, l'accusatif et l'ablatif ne sont pas respectés, mais ça compliquerait les choses inutilement), je clique sur « Ostendere » (« Montrer »). Résultat :

Sur la colonne de gauche :

« Iter brevissimum

Ab 'Epomandvo' ad 'Babylonia'
Summa MMMVI Milia Passuum / Leuga Gallica.
Fere CCI dies. »

c'est-à-dire : « Chemin le plus court de Mandeure à Babylone. En tout 3006 milliers de pas / lieues gauloises [on ne peut pas convertir en km, car les distances indiquées sur la table de Peutinger étaient selon les régions soit en « milliers de pas » (1481m) soit en lieues gauloises (2415m)]. Environ 201 jours. »

Puis l'itinéraire précis, avec le temps de trajet entre chaque ville, les auberges, les grands centres urbains, les fleuves à traverser, les montagnes à franchir.

A droite, la carte, où l'on peut retrouver l'itinéraire pas à pas, par rapport à la géographie moderne.

Personnellement, cela me donne follement envie de prendre un sac à dos et de faire une grande randonnée en suivant ces itinéraires. Pour « Mandeure-Babylone », je ne sais pas si ce sera un jour possible, hélas... En attendant, on peut faire de petits trajets en France. Par exemple, « Lutèce-Mandeure », 18 jours...

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vendredi 9 novembre 2012

Cicéron, le retour

Vous vous souvenez sans doute de l'article que j'avais écrit il y a déjà quatre ans et demi (que le temps passe!) sur Cicéron :
http://cheminsantiques.blogspot.fr/2008/02/cicron.html

J'y avais montré l'ambiguïté de la figure de ce grand homme, lâche et opportuniste par certains aspects, noble et courageux par d'autres.

Si j'y reviens aujourd'hui, c'est que je viens de rencontrer à nouveau Cicéron, complètement par hasard, en même temps, dans deux œuvres de fiction fort différentes, et que cette confrontation m'a amusée.

Je viens de finir la lecture un peu rude (surtout que je l'ai effectuée dans la langue de Shakespeare), mais passionnante d'Imperium de Robert Harris (2006). Ce roman historique est une biographie fictive de Cicéron par son affranchi et secrétaire Tiron. Les défauts de Cicéron, notamment son opportunisme, n'y sont pas cachés, mais sont traités avec un certain humour et le font selon moi ressortir d'autant plus humain. Ses qualités aussi sont là (il sait même renoncer à son opportunisme). Mais le fil conducteur du roman, c'est surtout de nous montrer le pouvoir de l'éloquence : comment, à plusieurs reprises, uniquement grâce à son éloquence, Cicéron est parvenu à des résultats (comme faire condamner un coupable notoire, mais riche et influent, ou se hisser lui-même, sans richesses ni ancêtres de renom, au sommet de l'Etat) qui n'étaient pas prévus dans le monde de la politique romaine aux rouages bien huilés par les trafics d'influences, les lobbies et les mafias.

Or en même temps que je lisais ce roman pour moi, j'ai lu (c'était beaucoup moins long heureusement!) à ma fille C'est quoi ce cirque? (2005), 4e épisode de la série « Les enfants du Nil » d'Alain Surget. J'aime bien l'écriture d'Alain Surget ; j'ai aussi lu de lui, pour mes collégiens, Un royaume pour un cheval, qui raconte le siège d'Alésia  et Le renard de Morlange, qui se passe au Moyen Age. Outre qu'il adopte un point de vue souvent original, qui nous change des énièmes romans historiques pour la jeunesse à la Evelyne Brisou-Pellen (que j'aimais bien au début, mais depuis qu'elle écrit trois ou quatre livres par an, cela devient n'importe quoi!), il a un humour qui ne déplaît pas aux lecteurs adultes, et des personnages, surtout féminins, qui détonnent : des râleuses de premier ordre, débrouillardes, efficaces et qui ne se laissent pas marcher sur les pieds!

Mais revenons à Cicéron, parce que là, Alain Surget m'a fait rire, mais rire jaune. Quelle première approche ma fille aura eu de mon grand héros romain! Les trois enfants héros de la série (et amis fidèles de Cléopâtre), venus à Rome, ont repéré un « homme au nez en bec d'aigle » qui leur a paru plus que suspect. Ils sont persuadés que celui-ci cache une arme dans les plis de sa toge, aussi quand il s'approche un peu trop de Cléopâtre, il le poussent violemment dans le bassin de l'atrium (nous sommes chez César). Du coup, Cicéron (car c'était lui!), vexé, se fâche avec César et Cléopâtre (c'était donc pour ça!!!) et en veut tellement à nos gentils petits héros qu'il les perd volontairement dans les rues mal famées de Subure (qu'est-ce qu'il est méchant!).
Mais ce qui m'a le plus fait rire, parce que cela, ça colle vraiment bien à l'image de Cicéron (l'homme qui a dit « Cedant arma togae », « Que les armes reculent devant la toge », c'est-à-dire devant le pouvoir de l'éloquence), c'est quand César interloqué explique aux enfants qu'ils ont poussé dans l'eau « Cicéron, le plus célèbre avocat de Rome » : l'un des enfants s'écrie qu'il cachait une arme sous son vêtement et Cicéron s'indigne en sortant un rouleau dégoulinant : « Pas du tout! C'est un papyrus! »

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jeudi 6 septembre 2012

Un pinceau embarrassant.

Je suis tombée ces derniers jours sur une lettre de Cicéron, Ad familiares, IX, 2 : il y explique l'étymologie du mot « penicillus » (pinceau) : « petit pénis », par métaphore.
Caudam antiqui « penem » uocabant, ex quo est propter similitudinem « penicillus ».
Nos pères désignaient le membre viril par le nom de « penis », d'où est venu « penicillus » (pinceau), à cause de la ressemblance.
C'est donc aussi l'étymologie de « pinceau » en français et en anglais de « pencil » ou « pen », à savoir des mots employés quotidiennement.
Je trouve amusant qu'on essaie toujours, et depuis l'antiquité (c'était d'ailleurs le sujet de la lettre de Cicéron), de ne pas prononcer les mots embarrassants, qu'on emploie des métaphores (ainsi, pour l'objet qui nous occupe, de la queue au petit oiseau, sans parler de toutes celles inventées dans les langages poétiques et argotiques) et que finalement le mot que l'on chasse par la fenêtre rentre par la grande porte puisque nous le prononçons tous les jours pour un objet d'usage courant!

NB : Et la pénicilline? Même origine : son principe est extrait d'un champignon à la forme évocatrice...

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vendredi 3 août 2012

Changez de vie, changez le monde : allez à Tarse!


L'Asie Mineure, toujours l'Asie Mineure!...
Je vous avais emmené en Commagène, à l'est, presque dans le continent, à la frontière de la Syrie et de la Mésopotamie, découvrir des statues monumentales et un fascinant écrivain grec, Lucien de Samosate :
Je vous avais emmené sur la côte ouest, en Phrygie à la découverte du roi Midas et en Lydie à la découverte du roi Crésus :
… et aussi en Lydie à l'occasion de la chute de Sardes à cause d'un casque tombé d'une falaise :

Aujourd'hui, c'est sur la côte sud que je vous emmène, en Cilicie, plus exactement dans la ville de Tarse.
C'est une ville qui n'est pas extrêmement célèbre et pourtant on en parle à l'occasion de deux situations célèbres.

En 41 av. JC, Marc Antoine, ancien bras droit de Jules César (assassiné quatre ans plus tôt), rallié bon gré mal gré à Octave contre les Républicains, fait à Tarse la rencontre de Cléopâtre, reine d'Egypte, de la famille macédonienne des Ptolémées. Et c'est un coup de foudre! Quand je parle de coup de foudre, ce n'est pas seulement que des intérêts politiques supérieurs les amenaient à collaborer et qu'en prime ils se sont plu (comme cela avait été le cas plus tôt entre cette même Cléopâtre et Jules César), mais d'après les sources antiques (Plutarque, essentiellement, ainsi que d'autres auteurs grecs et latins) il semble bien qu'il se fût agi d'un véritable coup de foudre. Pourquoi à Tarse? Antoine s'occupait alors de l'Orient de l'Empire romain (tandis qu'Octave s'occupait de l'Occident). Il avait convoqué plusieurs vassaux orientaux de Rome (dont l’Égypte de Cléopâtre) et Tarse, sur la côte sud de l'Asie Mineure, était en quelque sorte un point central de l'Orient, accessible par terre ou par mer.

Quatre-vingt ans plus tard, entre 37 et 40 ap. JC, le juif Saul quitte Tarse, sa ville natale, pour se rendre à Damas et y persécuter les Chrétiens. Sur le chemin de Damas, il a une illumination, la vision de Jésus Christ, se convertit au Christianisme et devient Paul, et même saint Paul. On a surtout retenu de cette célèbre conversion qu'elle avait eu lieu « sur le chemin de Damas », mais on oublie que ce chemin partait de Tarse.

Je trouve le lien entre ces deux histoires très frappant. D'abord, moins d'un siècle s'est écoulé entre les deux événements : il est fort probable que des habitants de Tarse ayant fréquenté Paul aient eu des grand-parents ayant fréquenté Antoine.
Mais surtout, dans les deux cas, une (ou deux) personnes ont eu une illumination qui a radicalement changé le cours de leur vie ; mais pas seulement : aussi le cours de l'histoire mondiale.
S'il n'y avait pas eu de coup de foudre entre Antoine et Cléopâtre, Antoine aurait peut-être été plus réactif face à Octave : l'empire romain aurait été plutôt oriental qu'occidental (c'est la thèse du docufiction « Rêve d'empire » diffusé sur Arte en juin 2011).
Si Paul n'avait pas été converti à la nouvelle secte conduite par Jésus, elle ne se serait peut-être pas autant répandue ; c'est en effet lui l'un des acteurs principaux de l'extension de la religion chrétienne à tout l'Empire romain.

Tous ces points communs et ces grandes histoires donnent envie d'écrire un roman historique qui se déroulerait à Tarse... A suivre...

En attendant, voici le texte de Plutarque : ce sont les chapitres 26 et 27 de la Vie d'Antoine, que vous pouvez lire ici :
Et pour la conversion de Paul, ce sont les Actes des Apôtres, chapitre 9, versets 3-19, ainsi que chapitre 22, versets 6-11. Vous pouvez lire ces passages ici :


En relisant ces deux textes, je constate d'ailleurs un autre point commun, par lequel Cléopâtre a impressionné Antoine comme Dieu a impressionné Paul : c'est une profusion de lumière...

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mercredi 11 juillet 2012

La poésie latine sur YouTube


Maintenant que je suis dotée dans ma salle d'un ordinateur et d'une paire d'enceintes (pas encore d'un vidéo-projecteur, et ne parlons pas d'un Tableau Numérique Interactif, mais c'est déjà un progrès!), je peux l'utiliser pour montrer à mes élèves comment on scande vraiment la poésie latine ; je ne sais moi-même le faire qu'assez laborieusement ; or on trouve sur YouTube des exemples de « scandeurs » assez doués, par exemple ici :
« The Rhythms of Latin Poetry: Hexameter »

Or, de fil en aiguille, comme il arrive souvent quand on explore au hasard les sentiers (pas toujours très fleuris, mais parfois si) de YouTube, je suis tombée sur toutes sortes d'interprétations modernes des poèmes les plus célèbres de la littérature latine. Je ne vous embarrasserai pas d'une kyrielle de liens, surtout que chacun selon sa sensibilité peut avoir ses préférences. Pour ceux d'entre vous qui sont professeurs et que de telles expériences intéresseraient, tapez par curiosité dans YouTube, « Tityre tu patulae », « Tu ne quaesieris » (ou « Ad Leuconoen »), « Vivamus mea Lesbia », « Odi et amo », ou tout autre hit-parade de la poésie latine qui vous viendrait à l'esprit et savourez les résultats.

Je vous en ferai juste partager deux que j'ai trouvés particulièrement originaux :

« Poesía latina: Virgilio, Buc. 1 (Tytire, tu patulae) » (Montaje de Francisco Manzanero: El poeta Virgilio recita unos versos de las Bucólicas. )
Le concepteur de cette vidéo, Francisco Manzanero, a confectionné une animation en 3D à partir d'un buste de Virgile qui s'anime, bouge les lèvres et les paupières, et semble ainsi nous dire lui-même son poème le plus célèbre. J'ai trouvé cela drôle, mais les élèves n'ont pas trop aimé ; la statue vivante leur a plutôt fait peur, ils regardent sans doute trop de films d'horreur!

« Odi et amo » (Music and Video by Lee-Sean Huang based on a poem by Catullus, Featuring vocals by JC Cassis )
C'est très spécial : le très célèbre et très court poème de Catulle, « Odi et amo. Quare id faciam, fortasse requiris. Nescio, sed fieri sentio et excrucior. » (« Je hais et j'aime. Comment c'est possible, tu me le demanderas peut-être. Je ne sais, mais je le sens et j'en suis crucifié.) a été ici mis à une sauce de graphisme vidéo moderne d'inspiration manga (l'auteur est apparemment japonais, bien que son nom me semble plutôt coréen). En résumé, je dirais que ça fait mal aux yeux et mal aux oreilles. Je m'attendais à un tollé de protestation de la part de mes élèves. Or, surprise, cette vidéo a provoqué chez eux un engouement sans précédent! Ils ont aussitôt voulu le revoir une deuxième fois, malgré sa relative longueur ; à peine rentrés chez eux ils se sont jetés sur internet pour le revoir encore, et le lendemain ils savaient tous le poème par cœur avant même que je ne leur demande de le faire!

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jeudi 28 juin 2012

Les modes changent, le latin demeure.


Certaines réactions des élèves sont inattendues, parfois en lien étroit avec une actualité très ponctuelle qui disparaît à nouveau très vite. Ainsi, cette année, tous les élèves connaissent le célèbre refrain du rappeur la Fouine « Veni vidi vici » (et quelques uns savent que Jules César y est aussi un petit peu pour quelque chose...).

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Mais dans la série des mots latins qui ont pu susciter des réactions différentes au fil des années de ma déjà un peu longue carrière, celui qui a le plus changé est sans conteste le mot « iter, itineris (n.) », qui signifie le chemin, la voie.

J'ai commencé à enseigner en collège en 2001. A cette époque, cela ne faisait qu'un an qu'Orange avait racheté Itineris, aussi les élèves me disaient « Ah! Comme le téléphone! ».

Un an plus tard, en 2002 sortait Astérix et Obélix : mission Cléopâtre, dans lequel un personnage avait été baptisé Itineris, en référence évidente avec le téléphone, dans la pure tradition goscinnienne de jeux de mots avec l'actualité. En recherchant sur internet (car j'ai un peu oublié ce film), je tombe sur une réplique qui ne laisse aucun doute : « Itineris a raison de ne pas se l'SFR »!!! Sauf que, les téléphones ne s'appelant en fait déjà plus Itineris, la très jeune génération ne comprit même pas le jeu de mots. En revanche, le film eut un succès immense auprès d'eux. Si bien que dans les années qui suivirent, les élèves me disaient : « Ah! Comme dans Astérix, mission Cléopâtre! ». Mais ce film lui-même est aujourd'hui passé de mode.

Cette année, j'ai été presque surprise quand un élève m'a simplement dit « Ah! Comme un « itinéraire »! »

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mercredi 20 juin 2012

Réinventer l'histoire antique : blague ou réflexion sérieuse?


« Et si... » Et si telle chose s'était passée ou ne s'était pas passée... C'est une tentation et un plaisir de réécrire l'histoire en imaginant d'autres cheminements possibles. C'est avant tout amusant. Mais parfois, cela peut aussi être instructif.

Ainsi cet article sur la première voiture possible : 
(l'article est en anglais assez clair, mais pas très facile à comprendre si l'on n'est pas très au fait des techniques de l'automobile, mais il y a des reconstitutions en 3D qui sont très parlantes)

C'est une pure imagination, mais elle est extrêmement bien documentée. L'auteur de l'article s'est astreint à n'utiliser que des technologies connues par les Grecs et à imaginer jusque dans la forme de la voiture quel aurait été son aspect le plus vraisemblable.

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Dans un tout autre style, mais se réclamant aussi d'une réécriture de l'histoire très bien documentée, j'en profite pour citer ici l'une de mes lectures préférées de l'année écoulée. Il s'agit d'un roman de Javier Negrete, Alexandre le Grand ou les Aigles de Rome (2007, traduction française 2009). L'auteur y imagine ce qui se serait passé si Alexandre n'était pas mort en 323 av. JC et s'était trouvé confronté à l'armée romaine. Outre que c'est un roman haletant, bien écrit, drôle, je connais assez bien certains sujets du livre pour me rendre compte que à quel point c'est sérieux d'un point de vue historique ; on est un peu dans la veine d'Umberto Eco.

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Voilà comment on peut apprendre beaucoup de choses vraies à travers des histoires fausses.!

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mardi 15 mai 2012

Quand Félix prend parti


Les Gaulois sont à la mode cette année, notamment à travers une excellente exposition à la Cité des Sciences et de l'Industrie, à la fois extrêmement ludique (donc accessible aux jeunes enfants) et énormément documentée (donc pleinement satisfaisante pour des adultes cultivés et curieux). L'un de ses principaux intérêts est de montrer que l'image que nous avons du Gaulois est une construction subjective dont les sources sont multiples, des écrivains romains contemporains des Gaulois dont l'intérêt politique était de valoriser leurs qualités guerrières, mais de rabaisser leur aspect civilisé, à la caricature bon enfant d'Astérix, en passant par les Gaulois symbole de la lutte française contre l'empire germanique au XIXe s., ou encore par Vercingétorix flambeau aussi bien de la Résistance que du régime de Vichy lors de la deuxième guerre mondiale.

C'est avec toutes ces idées fort intéressantes en tête que je préparais il y a quelques mois un cours pour mes élèves de 4e, voulant les faire travailler sur une longue et relativement célèbre phrase d'un général romain du IIe s. av. JC cité par Tite-Live (historien romain du Ier s. av. JC), dans laquelle il décrit l'aspect physique des guerriers gaulois. Comme je le fais souvent en ce cas, surtout que le texte comportait des mots assez rares, j'ai comparé plusieurs traductions françaises.

Or, j'ai été assez surprise de constater que les chevelures « rutilatae » des guerriers gaulois étaient parfois traduites comme « rousses », parfois comme « teintes en rouge », ce qui est loin d'être pareil. Quand aux « tripudia », tandis que les uns en font des « bonds » ou des « trépignements », d'autre en font des « danses ». Naturellement, pour vérifier tout ça, je me tourne vers le Gaffiot, le plus célèbre et le plus utilisé des dictionnaires latin-français, publié par Félix Gaffiot en 1934. Et là, j'ai été plongée dans des abîmes de perplexité!

En effet, l'adjectif « rutilatus » évoque bien l'idée de « teint en rouge » (ou en roux), d'autant plus qu'il est tout simplement le participe passé du verbe « rutilo », « teindre en rouge ou en roux », et qu'il existe un autre adjectif (« rutilus ») pour dire « roux » ; mais... le Gaffiot donne aussi le sens de « roux » (c'est-à-dire roux naturellement, et pas à la suite d'une teinture) avec une seule référence : celle précisément du texte de Tite-Live dont je vous parle!

Quant à « tripudia », le mot désigne exactement une danse comportant des bonds, et il s'est spécialisé dans la désignation d'une danse religieuse exécutée par les Saliens, une catégorie particulière de prêtres romains. Dans le cas des Gaulois., ils s'agit sans doute d'une danse guerrière ritualisée (du genre des « hakas » des guerriers (puis rugbymen) de Nouvelle Zélande!). Or là aussi, Gaffiot nous propose une seule traduction par « bonds » avec une seule référence : encore celle de notre texte de Tite-Live!

Voilà donc que le Gaffiot, que je prenais pour une autorité objective, se permet de prendre parti. Et les conséquences sur le sens du texte n'en sont pas anodines!!! Dans tous les cas, les guerriers gaulois paraissent effrayants, mais dans le cas (vers lequel voudrait nous pousser Gaffiot) de guerriers naturellement roux exécutant des bonds (voire des trépignements, comme des enfants capricieux), ce sont juste des sauvages effrayants par leur nature ; tandis que dans le cas de guerriers aux cheveux teints d'une couleur vive et exécutant une danse ritualisée, ce sont les représentants d'une civilisation, d'une culture.

Comme souvent dans ce blog, la conclusion sera qu'il faut se méfier des idées reçues, et toujours se poser des questions, enquêter et tâcher d'aller aux sources.

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Pour finir, voici le texte en question de Tite-Live, et la traduction (adaptée de trois traductions1) qui me semble la meilleure :


Procera corpora, promissae et rutilatae comae, vasta scuta, praelongi gladii; ad hoc cantus ineuntium proelium et ululatus et tripudia, et quatientium scuta in patrium quendam modum horrendus armorum crepitus, omnia de industria composita ad terrorem.
Leur forte taille, leur chevelure flottante et teinte en rouge, leurs boucliers immenses, leurs épées démesurées, leurs chants de circonstance au moment d'engager le combat, leurs hurlements, leurs danses guerrières, le fracas horrible des armes heurtant les boucliers d'après un usage ancestral, tout est organisé à dessein pour inspirer la terreur.

Tite-Live (Ier s. av. JC), Histoire romaine, XXXVIII, 17 (2-6)
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1 La traduction de Nisard de 1864 (donc antérieure au Gaffiot), disponible sur le site Itinera Electronica, la traduction du manuel de latin de 4e de 2011 (Marie Berthelier et Annie Collognat-Barès) et une troisième trouvée sur une photocopie dans mes archives pour laquelle je n'ai malheureusement pas de référence de traduction.


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mardi 1 mai 2012

Google et l'oracle d'Apollon


       La manière dont on effectue une recherche sur un moteur de recherche peut être révélatrice de notre manière de raisonner. J'ai l'habitude – comme, je pense, beaucoup de gens formés à la vieille école des livres, des index et des tables des matières, avant l'ordinateur – de procéder par mots clés. Par exemple, pour une recherche sur les esclaves à Rome, je taperais « esclave Rome Antique ». Or j'ai remarqué que beaucoup d'élèves (et sans doute d'utilisateurs plus âgés) procèdent en posant directement une question à Google, par exemple : « Comment devient-on esclave à Rome? ». Je trouve qu'il y a dans cette attitude quelque chose de très proche de l'homme de l'Antiquité qui interrogeait un oracle!
       Alors, me direz-vous, je devrais me réjouir de ce que mes élèves procèdent comme les hommes de l'Antiquité!
       Hem! Pas tout à fait... D'abord, il est plutôt inquiétant de se positionner face à Google comme face à un dieu.
       D'autre part, tant qu'à imiter les Anciens, il serait bon que l'on tire parti de leurs erreurs aussi, et parmi celles-ci, les erreurs d'interprétation des oracles sont un motif récurrent de la littérature grecque et romaine. Je n'évoquerai que deux des plus célèbres erreurs d'interprétation de l'oracle d'Apollon : Œdipe qui n'avait pas compris de quel père et de quelle mère il s'agissait dans « Tu tueras ton père et tu épouseras ta mère », et Crésus qui n'avait pas compris de quel empire il s'agissait dans « Si tu attaques Cyrus, tu détruiras un grand empire. » (c'était son propre empire!).
       Or les élèves font exactement les mêmes erreurs d'interprétation face aux « oracles » de Google. Je me souviens d'une élève qui devait chercher un tableau du Parmesan représentant un épisode de la mythologie grecque et qui errait consciencieusement dans un site sur les fromages. Et je vous laisse imaginer où sont aller se fourvoyer ceux à qui j'ai eu la mauvaise idée de demander quel poète latin avait célébré la belle « Lesbie »!...

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       Et pourtant, moi aussi, je l'avoue, je suis allée consulter l'oracle! En fait, je me suis rendu compte que taper une question dans un moteur de recherche n'était pas si absurde, dans la mesure où l'on tombe souvent sur des forums de discussion où la question est abordée (avec des réponses d'une qualité variable, certes!). Mais surtout, j'ai compris que cela pouvait se révéler utile pour chercher la définition d'un mot : en effet, taper le mot seul va nous conduire vers des pages qui abordent la notion, mais qui ne la définissent pas, or en tapant « qu'est-ce que... » on a plus de chance de tomber sur une définition.
       Donc, ce jour-là, je me rends au temple oraculaire et je commence à poser ma question : « Qu'est-ce qu'un... » Mais voilà que la Pythie de Google prend les devants et me propose d'emblée les quatre questions les plus posées par les consultants qui m'ont précédée.
       Et là, stupeur! Car ces quatre questions sont (où étaient du moins, le jour où j'ai consulté Google) : « Qu'est-ce qu'un mythe? », « Qu'est-ce qu'un smartphone? », « Qu'est-ce qu'un blog? », « Qu'est-ce qu'un podcast? »
       Étrange et fascinant de trouver le mythe, l'éternel mythe, mêlé aux dernières inventions technologiques du monde moderne... Et encore une fois (et ce n'est pas moi qui le dit, c'est Google!), l'Antiquité, qui a inventé tous les mythes, est plus que présente dans notre monde d'aujourd'hui!...

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