dimanche 8 janvier 2023

De quelques autrices latines illustres


En octobre dernier, j’ai participé au colloque « Pro mulieribus claris » (« Pour les femmes illustres »), organisé à Lille par le Lupercal, association qui met à l’honneur les femmes écrivant et ayant écrit en latin, ainsi que les catalogues ou biographies de femmes célèbres en latin.

Ces trois jours furent d’une richesse incroyable, et une découverte fascinante de femmes de l’Antiquité, du Moyen Âge, de l’époque moderne, et d’aujourd’hui. Impossible à résumer en un article de blog ! J’avais toutefois rédigé comme à mon habitude un article à la manière d’une promenade dans un sentier fleuri, en picorant quelques fleurs qui m’avaient plu pour vous proposer un petit bouquet. Hélas, l’article que j’ai écrit et que j’avais prévu de publier aujourd’hui a disparu du document où je l’avais rédigé. Je pense qu’au moment de le sauvegarder sur un support, j’ai dû me tromper et écraser la nouvelle version avec l’ancienne. Sachant que cet article, qui n’était pourtant qu’un modeste petit catalogue de bribes picorées, m’a cependant pris une journée entière d’écriture, sans compter le temps passé auparavant à relire mes notes, je n’ai évidemment pas la moindre envie de le réécrire ! Toutefois, je me suis rendu compte qu’une chose était restée dans la mémoire de mon ordinateur, c’est l’historique de navigation sur internet de ce jour-là. J’ai donc au moins récupéré les liens que je voulais vous offrir, ceux menant vers les textes de certaines de ces autrices, ainsi que les liens vers les pages wikipédia qui m’avaient permis de compléter mes notes prises durant le colloque, pour écrire des mini-textes de présentation. Je vous offre donc aujourd’hui quelques pauvres fleurs froissées récupérées dans une poubelle, d’un petit bouquet qui lui-même n’avait cueilli que quelques fleurs d’un immense jardin !


- La présentation du colloque : https://www.fabula.org/actualites/110032/pro-mulieribus-claris-place-aux-femmes-illustres.html


Mon petit catalogue, dans un ordre aléatoire…


- Sulpicia (née vers 40 av. JC), la plus ancienne poétesse latine de l’Antiquité romaine dont nous ayons conservé plusieurs textes ; ils figurent dans le recueil de Tibulle, un homme, à qui ils ont souvent été attribués sans raison. Il s’agit des poèmes 13 à 18 (et peut-être aussi le 11) du livre III de ce recueil : https://fr.wikipedia.org/wiki/Sulpicia_(po%C3 %A8te)

Vous pouvez lire les poèmes, assortis d’une traduction française, ici :

http://agoraclass.fltr.ucl.ac.be/concordances/tibulle_elegiesIII/lecture/11.htm

et

http://agoraclass.fltr.ucl.ac.be/concordances/tibulle_elegiesIII/lecture/13.htm

(puis cliquer sur la flèche vers la droite, pour lire les poèmes 14, 15, 16, 17, 18)


- Anne Lister (1791-1840), autrice et aventurière anglaise, généralement considérée comme la première lesbienne de l’époque moderne, elle a rédigé un journal, mais en utilisant un code alphabétique qu’elle avait inventé, et en parsemant deci delà quelques phrases en latin et en grec ancien : https://en.wikipedia.org/wiki/Anne_Lister


- Anna Maria van Schurman (1607-1678), poétesse néerlandaise d’expression latine, enfant prodige qui savait lire à 4 ans, première femme à assister aux cours de l’Université d’Utrecht, poétesse, dessinatrice, sculptrice, musicienne, instruite en droit, histoire, géographie, théologie, mathématiques, maîtrisant non seulement plusieurs langues parlées d’Europe, mais aussi le grec, le latin, l’hébreu, le chaldéen, l’arabe, le syriaque et l’éthiopien :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Anne-Marie_de_Schurman

Féministe aussi, puisqu’elle a écrit une « Dissertatio, de ingenii muliebris ad doctrinam, & meliores litteras aptitudine » (traité sur l’intelligence des femmes pour l’étude et leur aptitude à de très bonnes productions littéraires), que vous pouvez lire (en latin) ici :

https://archive.org/details/ned-kbn-all-00002613-001/page/n10/mode/2up

Vous pouvez admirer ici son superbe autoportrait en 1633, à l’âge de 26 ans (n’hésitez pas à zoomer au maximum pour admirer la finesse et la sûreté du trait, aussi bien dans le dessin que dans la calligraphie) :

https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/c/c1/AnnaMaria_vanSchurman.jpg


- Arcangela Tarabotti (1604-1652), religieuse et écrivaine italienne, elle n’écrivait pas en latin, mais méritait sa place dans ce catalogue de femmes illustres pour ses éloquentes dénonciations de la condition des femmes, condamnées au mariage forcé ou à la réclusion forcée en couvent ou encore à rester chez leurs parents où elles n’étaient que les servantes de leur père et de leurs frères : https://fr.wikipedia.org/wiki/Arcangela_Tarabotti


- Hildegarde de Bingen (1098-1179), abbesse allemande d’expression latine, femme puissante, fondatrice de plusieurs abbayes, qui a échangé par correspondance et parfois en allant les voir avec des papes, des empereurs, des rois, des reines, etc, et qui savait imposer sa volonté à tous, grande savante en médecine, minéralogie, botanique, autrice de poèmes, compositrice de musique, peintre d’enluminure, elle a créé une langue et un alphabet : https://fr.wikipedia.org/wiki/Hildegarde_de_Bingen

C’est moi qui l’ai présentée, j’ai choisi d’axer ma présentation sur le lien entre son style d’écriture et la manière dont elle présente le corps masculin et le corps féminin. Vous pouvez voir et écouter la captation vidéo de ma conférence ici :

https://www.pearltrees.com/pla2/publications-de-nadia-pla/id33402228/item480962819


- Isotta Nogarola (1418-1466), autrice italienne d’expression latine, célèbre notamment pour être l’autrice d’un texte dans lequel elle démontre, avec les arguments de la scolastique médiévale chrétienne et en s’appuyant sur les œuvres des pères de l’Église, qu’Eve n’est pas plus coupable qu’Adam dans le péché originel : https://fr.wikipedia.org/wiki/Isotta_Nogarola

On peut lire plusieurs de ses œuvres (en latin), notamment des lettres, ici :

https://archive.org/details/isotnogarolvero00nogagoog/page/n181/mode/2up (volume I)

et ici :

https://archive.org/details/isotnogarolvero01nogagoog/page/n8/mode/2up (volume II)


- Juana Inés de la Cruz (1648 ou 51 – 1695), autrice mexicaine d’expression latine entre autres, enfant prodige qui a écrit sa première œuvre à 7 ans, instruite en mathématiques, musique, philosophie, astronomie, théologie, maîtrisant le latin et de nombreuses autres langues : https://fr.wikipedia.org/wiki/Juana_In%C3 %A9s_de_la_Cruz


- Julia Balbilla (72-vers 130) : poétesse latine de l’Antiquité romaine, issue de la famille royale de Commagène (voir un article que j’avais écrit il y a 13 ans sur cette région : https://cheminsantiques.blogspot.com/2009/02/entre-grece-et-mesopotamie.html), elle a accompagné l’empereur Hadrien et sa femme Sabine dans leur voyage en Égypte, et elle y aurait gravé des poèmes de sa composition sur les sculptures des Colosses de Memnon : https://fr.wikipedia.org/wiki/Julia_Balbilla

On peut trouver ces textes dans : André et Etienne Bernand, Les Inscriptions grecques et latines du Colosse de Memnon, Le Caire, Institut français d'Archéologie orientale, 1960.

Belle citation à son sujet de Marguerite Yourcenar, dans Les Mémoires d’Hadrien : « L’inépuisable Julia Balbilla enfanta sur-le-champ une série de poèmes ».


- Marie Stuart (1542-1587), reine d’Écosse à la vie mouvementée comme on le sait ou comme on ne le sait pas, elle a vécu son enfance et sa jeunesse en France (c’est elle qui est désignée sous le nom de « La Dauphine » dans La Princesse de Clèves, de Mme de La Fayette) ; elle a écrit vers l’âge de 13 ans une série de lettres à une jeune cousine Elizabeth de 11 ans environ. Ces lettres sont en bilingue latin et français, on a même pensé qu’il s’agissait d’exercices de thème latin donnés par son précepteur. Toutefois, il semble bien que ce soit elle qui en soit l’autrice originale. Plusieurs de ces lettres établissent un catalogue de femmes célèbres, passées et contemporaines : https://fr.wikipedia.org/wiki/Marie_Stuart

On peut lire ces lettres ici :

https://www.google.fr/books/edition/_/IXlKAAAAIAAJ?hl=fr&gbpv=1&pg=PP7&dq=latin+themles+of+mary+stuart+queen+of+scotland


- Laura Cereta (1469-1499), autrice italienne d’expression latine, engagée dans la dénonciation de la condition des femmes et dans la défense de leur éducation. Elle a notamment développé ses idées dans une lettre fictive « Contre Bibulus Sempronius », avec intelligence et humour. Le texte n’est pas encore publié ni traduit, mais des autrices d’aujourd’hui y travaillent !

https://fr.wikipedia.org/wiki/Laura_Cereta


- Mathilde (1059-1113), abbesse de la Trinité, à Caen. On n’a pas d’écrit d’elle, mais sur elle, sur un rouleau mortuaire (parchemin roulé que l’on pouvait allonger selon les besoins, qui circulait après la mort d’un abbé ou d’une abbesse dans des régions proches ou lointaines où il ou elle était connue, et sur lequel ceux qui le souhaitaient pouvaient ajouter un petit texte, un éloge, un témoignage, un poème : une sorte de « livre d’or »). Ce rouleau mortuaire de Mathilde a circulé dans une très large partie du nord-ouest de la France et du sud de l’Angleterre, il a visité 237 maisons et 33 couvents, dont 21 y ont inscrit un poème :

https://archives.calvados.fr/page/les-abbesses-de-l-abbaye-aux-dames-de-caen

On peut lire certains de ces poèmes dans ce mémoire universitaire :

https://dial.uclouvain.be/memoire/ucl/fr/object/thesis%3A23963

et des textes en l'honneur d'une autre abbesse du même couvent, Marie, dans cet article :

https://www.persee.fr/doc/bec_0373-6237_1910_num_71_1_452491

 

- Martha Marchina (1600-1647), autrice italienne d’expression latine et d’origine très modeste : https://fr.wikipedia.org/wiki/Marthae_Marchinae_Musa_Posthuma  

https://www.lupercallegit.org/martha-marchina

Pour lire des poèmes de Martha Marchina en latin accompagnés d’une traduction française :

https://www.lupercallegit.org/_files/ugd/a8964a_e42b3b22224f46718e5ecbd415187aa1.pdf


- Dhuoda (vers 800-vers 843), autrice d’expression latine, noble épouse d’un seigneur, célèbre pour un manuel d’éducation écrit pour l’un de ses fils : https://fr.wikipedia.org/wiki/Dhuoda ou mieux : https://passionmedievistes.fr/vies-de-medievaux-1-dhuoda-mere-et-intellectuelle/

On peut lire le manuel en latin, assorti d’une traduction française ici :

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k7090w.texteImage

Le texte commence ici :

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k7090w/f48.item

Signalons à partir d’ici (https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k7090w/f50.item) un acrostiche, où l’on lit en prenant la première lettre du début de chaque distique : « DHUODA DILECTO FILIO WILHELMO SALUTEM LEGE », c’est-à-dire « Dhuoda à son cher fils Guillaume : « Lis mon salut ! » » ou « Dhuoda salue son cher fils Guillaume. Lis ! »


- Margareta van Godewijk (1627-1677), poétesse néerlandaise d’expression latine, elle était aussi peintresse, et maîtrisait le grec ancien et l’hébreu : https://en.wikipedia.org/wiki/Margaretha_van_Godewijk?oldid=866398897

On peut lire plusieurs de ses poèmes en latin ici :

https://www.lupercallegit.org/margareta-van-godewijck

et ici :

http://www.humanistica.be/index.php/humanistica/article/view/531/150

Et on peut admirer ici le très beau recueil manuscrit d’emblèmes en latin, qu’elle a repris d’un autre auteur (Gabriel Rollenhagen) et qu’elle a illustré de sa main par de très beaux lavis :

https://www.archieven.nl/nl/zoeken?mivast=0&mizig=210&miadt=46&miaet=1&micode=150&minr=757419&miview=inv2&milang=nl

J’ai notamment choisi la phrase « Omnia mea mecum porto », « Je porte toutes mes affaires avec moi » pour une de mes « phrases latines de la semaine » sur Facebook, que vous pouvez retrouver ici : https://www.facebook.com/story.php?story_fbid=pfbid02Xztvk2YDZ8VgVzsCThoQrvLzHmPVkptqj6rfNT54u5yRwqKfQ62nFhP2yYG6f4Kil&id=100063790890766


- Ginevra Rangone (1487-1540), autrice italienne d’expression latine : https://it.wikipedia.org/wiki/Ginevra_Rangoni

J’ai notamment choisi la phrase « Nos alio dabimus muliebria tempore facta : / nunc a filiola carmina, mater, habe », « Nous nous adonnerons plus tard aux ouvrages de femme : / maintenant, les poèmes de ta petite fille, mère, profites-en ! » pour une de mes « phrases latines de la semaine » sur Facebook, que vous pouvez retrouver ici :

https://www.facebook.com/story.php?story_fbid=pfbid02VEuKVtDHer1hGNAmyeoJ4qi8UrXPDdPCWo8ejdeHfAqMYmpR4HxWSwEBmDb3wAH7 l&id=100063790890766


- Egeria (fin IVe-Ve s), une pèlerine venue de l’Espagne ou du sud de la Gaule qui a raconté dans une lettre à des « sœurs » (peut-être des moniales et peut-être l’était-elle elle-même) un voyage qu’elle a effectué en Syrie et Mésopotamie sur la trace des lieux saints évoqués dans la Bible ; son texte est un des premiers récits « touristiques » (même si la notion est anachronique), elle y raconte comment elle a gravi telle montagne ou bien comment on lui a montré tel monument où vivait un personnage célèbre : https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3 %89 g%C3 %A9rie_(p%C3 %A8lerine)

Le texte latin est lisible ici :

https://archive.org/details/silviaevelpotiu00heragoog/page/n3/mode/2up

Il en existe également une édition plus récente et assortie d’une traduction française :

Egérie, Journal de voyage (Itinéraire), Introduction, texte critique, traduction, notes et cartes de Pierre Maraval, Paris, Le Cerf, collection « Sources Chrétiennes », 1982. (https://sourceschretiennes.org/collection/SC-296)


- Cornificia (vers 85-40 av. JC), poétesse latine de l’Antiquité romaine dont nous avons malheureusement perdu tous les écrits (et moi qui pleure parce que j’ai perdu juste un article de blog !) : https://fr.wikipedia.org/wiki/Cornificia


- Olympia Fulvia Morata (1526-1555), autrice italienne d’expression latine, qui a vécu en Allemagne, humaniste et professeuse d’Université : https://fr.wikipedia.org/wiki/Olympia_Fulvia_Morata

D’elle, j’aime énormément cette phrase : « Et placuere mihi Musarum florida prata », « Et j’ai aimé les prés fleuris des Muses », qui me fait penser au titre de ce blog, et qui pourrait en être la devise…


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