Je vous avais expliqué lors d'un précédent article
(https://cheminsantiques.blogspot.com/2019/03/le-corps-feminin-et-le-fromage-une.html)
que selon une théorie largement répandue au Moyen Âge, le sang
menstruel jouait un rôle lors de la conception, en se mêlant au
sperme. Même pour ceux qui soutenaient la théorie inverse (seul le
sperme permet la conception), il était admis que le sang menstruel
jouait ensuite le rôle de nourriture du fœtus, puis de l'enfant
nouveau-né, ce qui explique pourquoi les femmes enceintes ou
allaitantes n'ont généralement pas de règles. Vous êtes surpris ?
Vous pensiez que le nouveau-né se nourrissait plutôt de lait ? Il
vous semblait bien avoir vu un liquide blanc sortir de vos seins ou
de ceux de votre compagne, de votre mère, etc., et non rouge ? Vous
n'avez pas eu d'hallucination : c'est juste que le lait - selon les
médecins et encyclopédistes du Moyen Âge - c'est du sang menstruel
qui a subi une "déalbation" (une opération chimique qui
l'a blanchi) : CQFD !
Mais ce n'est pas fini, et j'en viens au sujet de l'article
d'aujourd'hui. Vous avez en revanche bien remarqué si vous avez des
petits enfants dans votre entourage ou si vous vous souvenez de votre
propre petite enfance que les premières années de la vie voient se
concentrer une grande quantité de maladies dites à juste titre
"infantiles" qui se caractérisent par des boutons,
plaques, et autres éruptions cutanées... rouges ou roses ! Vous me
voyez venir ? Eh oui, ces éruptions rougeâtres sont pour nos
médecins médiévaux la conséquence logique de la présence du sang
menstruel de la mère qui a pénétré le corps de l'enfant au moment
de la conception, de la nourriture intra-utérine ou de
l'allaitement, et que le corps de l'enfant essaie
ensuite d'expurger ou d'évacuer par le biais de ces maladies ! J'ai
lu récemment cette information dans l'excellent livre de Claude
Thomasset et Danielle Jacquart, Sexualité et savoir médical au
Moyen Âge, PUF, 1985, p. 102, mais elles ne donnent
malheureusement pas de référence de textes à l'appui. Je ne doute
pas d'en trouver lors de mes recherches, car je suis loin d'avoir
encore exploré tous les ouvrages des médecins médiévaux que je
n'ai que listés.
Cependant, comme j'avance de manière assez aléatoire dans mes
recherches (une trouvaille en appelle une autre, et ainsi de suite),
je suis tombée aujourd'hui sur ce qu'on pourrait appeler
l'aboutissement poétique de cette théorie. Aboutissement, car c'est
un texte de la fin du XVIe s (1584) : je ne suis donc plus vraiment
dans le cadre temporel de mon sujet qui est le Moyen Âge. Poétique,
car c'est l'extrait d'un poème, La Seconde Semaine de Du
Bartas (suite de La Semaine, un poème encyclopédique qui
glorifiait la création du monde par Dieu, La Seconde Semaine
raconte l'enfance du monde et de l'humanité). Au chapitre du 1er
jour, dans une partie intitulée "Les Furies", il évoque
les différentes maladies des humains. Quelques vers sont consacrés
aux maladies infantiles, et on y retrouve notre fameuse théorie des
maladies cutanées provoquées par les résidus de sang menstruel.
Voici les vers. Âmes sensibles, s'abstenir ! Si vous n'avez pas
d'enfants, peut-être ce texte vous dégoûtera-t-il à tout jamais
d'en avoir, et pour ma part, après l'avoir lu, je suis bien contente
que les miens aient passé le stade de la petite enfance !
[...]
Ainsi la molle enfance
Est
rongee des vers, fils de ses cruditez :
A
le ventre croulant pour ses humiditez :
Pour
ses phlegmes nitreux a la teste teigneuse,
Et
porte quelque temps mainte ampoulle saigneuse
De
l'humeur menstrual, qui comme un vin nouveau
Bouillonnant
dans son corps, lui boutonne la peau.
*
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