mercredi 17 juillet 2019

Les maladies infantiles au XVIe s : vision apocalyptique


Je vous avais expliqué lors d'un précédent article (https://cheminsantiques.blogspot.com/2019/03/le-corps-feminin-et-le-fromage-une.html) que selon une théorie largement répandue au Moyen Âge, le sang menstruel jouait un rôle lors de la conception, en se mêlant au sperme. Même pour ceux qui soutenaient la théorie inverse (seul le sperme permet la conception), il était admis que le sang menstruel jouait ensuite le rôle de nourriture du fœtus, puis de l'enfant nouveau-né, ce qui explique pourquoi les femmes enceintes ou allaitantes n'ont généralement pas de règles. Vous êtes surpris ? Vous pensiez que le nouveau-né se nourrissait plutôt de lait ? Il vous semblait bien avoir vu un liquide blanc sortir de vos seins ou de ceux de votre compagne, de votre mère, etc., et non rouge ? Vous n'avez pas eu d'hallucination : c'est juste que le lait - selon les médecins et encyclopédistes du Moyen Âge - c'est du sang menstruel qui a subi une "déalbation" (une opération chimique qui l'a blanchi) : CQFD !

Mais ce n'est pas fini, et j'en viens au sujet de l'article d'aujourd'hui. Vous avez en revanche bien remarqué si vous avez des petits enfants dans votre entourage ou si vous vous souvenez de votre propre petite enfance que les premières années de la vie voient se concentrer une grande quantité de maladies dites à juste titre "infantiles" qui se caractérisent par des boutons, plaques, et autres éruptions cutanées... rouges ou roses ! Vous me voyez venir ? Eh oui, ces éruptions rougeâtres sont pour nos médecins médiévaux la conséquence logique de la présence du sang menstruel de la mère qui a pénétré le corps de l'enfant au moment de la conception, de la nourriture intra-utérine ou de l'allaitement, et que le corps de l'enfant essaie ensuite d'expurger ou d'évacuer par le biais de ces maladies ! J'ai lu récemment cette information dans l'excellent livre de Claude Thomasset et Danielle Jacquart, Sexualité et savoir médical au Moyen Âge, PUF, 1985, p. 102, mais elles ne donnent malheureusement pas de référence de textes à l'appui. Je ne doute pas d'en trouver lors de mes recherches, car je suis loin d'avoir encore exploré tous les ouvrages des médecins médiévaux que je n'ai que listés.

Cependant, comme j'avance de manière assez aléatoire dans mes recherches (une trouvaille en appelle une autre, et ainsi de suite), je suis tombée aujourd'hui sur ce qu'on pourrait appeler l'aboutissement poétique de cette théorie. Aboutissement, car c'est un texte de la fin du XVIe s (1584) : je ne suis donc plus vraiment dans le cadre temporel de mon sujet qui est le Moyen Âge. Poétique, car c'est l'extrait d'un poème, La Seconde Semaine de Du Bartas (suite de La Semaine, un poème encyclopédique qui glorifiait la création du monde par Dieu, La Seconde Semaine raconte l'enfance du monde et de l'humanité). Au chapitre du 1er jour, dans une partie intitulée "Les Furies", il évoque les différentes maladies des humains. Quelques vers sont consacrés aux maladies infantiles, et on y retrouve notre fameuse théorie des maladies cutanées provoquées par les résidus de sang menstruel.

Voici les vers. Âmes sensibles, s'abstenir ! Si vous n'avez pas d'enfants, peut-être ce texte vous dégoûtera-t-il à tout jamais d'en avoir, et pour ma part, après l'avoir lu, je suis bien contente que les miens aient passé le stade de la petite enfance !


[...] Ainsi la molle enfance
Est rongee des vers, fils de ses cruditez :
A le ventre croulant pour ses humiditez : 
Pour ses phlegmes nitreux a la teste teigneuse, 
Et porte quelque temps mainte ampoulle saigneuse 
De l'humeur menstrual, qui comme un vin nouveau 
Bouillonnant dans son corps, lui boutonne la peau.


*

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