Aujourd'hui,
je vais vous raconter une histoire qui date déjà de quelques mois,
et que j'avais d'abord jugée trop personnelle pour la livrer au
public, mais je me suis finalement décidée.
Comme
vous le savez, je suis en train d'écrire un roman qui se passe à
Cologne au XVIe s. (cf.
http://cheminsantiques.blogspot.fr/2015/01/chemins-antiques-sentiers-fleuris-et.html).
Les personnages de ce roman cherchent entre autres à réunir sept
objets dont ils pensent que l'ensemble donne un certain pouvoir.
Parmi ces objets, un chandelier. Je veux des objets qui puissent
venir de différents endroits du monde d'où l'importation était
possible par un marchand de Cologne du XVIe s. Pour le chandelier,
j'avais pensé à une origine scandinave, ne connaissant par ailleurs
pas grand chose à l'art décoratif de cette région du monde.
Donc,
un jour d'août dernier, alors que j'étais à la BPI (Bibliothèque
Publique d'Information du centre Beaubourg, à Paris), je suis allée
au rayon de l'art scandinave. J'ai feuilleté plusieurs livres, mais
pas de chandelier... Pensant alors que je pourrais m'inspirer d'un
autre objet, je reprends le livre qui m'avait le plus plu par la
beauté de ses reproductions et qui s'intitulait Medieval
Norwegian Art, je l'ouvre au hasard pour le feuilleter, et là...
Deux choses surprenantes arrivent en même temps :
le livre s'ouvre à
une page que j'avais sautée la première fois, page où apparaît
la photo de deux magnifiques chandeliers!
au moment où
j'ouvre la page, un petit papier glisse et tombe du livre...
Je
suis absolument ravie d'avoir trouvé mon chandelier scandinave, qui
est exactement comme je le voulais, et assez frappée de tomber
dessus immédiatement à cette deuxième lecture du livre... C'est
donc dans cette circonstance déjà très surprenante en elle-même
que je ramasse le petit papier.
C'est
un petit papier légèrement cartonné, un peu plus grand qu'une
carte de crédit et un peu plus petit qu'une carte à jouer, sur
lequel est imprimé un montage en noir et blanc : une tête
sculptée sumérienne, sur fond d'une frise d'épais zig-zag. Là
aussi, coïncidence étrange : quand j'étais petite, mon père,
d'origine irakienne, avait toujours au-dessus de sa table une carte
postale représentant un couple de statuettes sumériennes, et il me
disait « Ce sont tes ancêtres » ; je croyais que c'était
vraiment quelques arrière-arrière-grand-parents, aussi j'ai
toujours une vive émotion à voir une de ces têtes ! Au dos de
la carte étaient écrits à la main un nom, des titres, une date :
j'ai donc pensé que quelqu'un avait utilisé cette petite carte
comme un marque-page et griffonné au dos une référence, puis
l'avait oubliée dans le livre.


J'ai
recueilli très soigneusement cette petite carte. Il y avait
suffisamment de coïncidences étranges dans cette histoire pour que
j'eusse envie de tirer le fil le plus loin possible. Aussi, dès que
je suis rentrée chez moi, j'ai tapé dans un moteur de recherche
internet les mots qui apparaissaient au dos de la carte. Et je suis
tombée là-dessus :
http://www.rupestreamort.fr/index.php?page=branle-bassement-Anabase
En mai 2014, 10 000 images ont été imprimées avec Palefroi, collectif d'artistes sérigraphes à Berlin.
Le projet rejoint l'Anabase, épisode de l'histoire au cours duquel 10
000 mercenaires grecs partis guerroyer en Perse sont mis en déroute
après la perte de leur meneur.
Désœuvrés et égarés, les 10 000 hommes erreront plusieurs années avant de retrouver leur patrie.
Les figures éditées sont, depuis, intégrées dans les ouvrages et
dispersées dans les bibliothèques, librairies et collections
personnelles que l'on fréquente.
En septembre 2015, les 10 000 images ont été dispersées.
Donc
cette carte n'est pas tombée là par hasard : c'est la
dix-millième partie d'une œuvre d'art, le fait d'avoir été
glissée là fait aussi partie de l’œuvre d'art, et le fait que je
l'aie recueillie aussi ! Moi qui habituellement n'apprécie pas
trop les « performances » et autres « installations »
de l'art moderne, j'aime énormément ce travail de Julie Redon
(c'est bien le nom de l'artiste). Je le trouve plein de poésie, avec
un petit parfum d'aventures et de roman policier.
Mais les coïncidences
pour moi ne s'arrêtaient pas là. Les images ont été imprimées à
Berlin, en Allemagne, pays où se passe le roman que j'écris et à
l'occasion duquel cette histoire m'est arrivée. Quant à L'Anabase,
le texte de Xénophon a été pour moi un coup de foudre quand je
l'ai découvert en cours de grec en classe de seconde (incroyable :
un type d'il y a 2400 ans racontait un voyage au jour le jour, le
premier reportage en direct!). Puis quelques années plus tard, quand
j'étais en maîtrise de lettres classiques, j'ai réalisé que ce
voyage avait lieu précisément en Irak, pays de mes ancêtres, et ce
texte de Xénophon a été le déclencheur de mon idée de mémoire
de maîtrise, « La Mésopotamie vue par les Grecs ». J'en
avais aussi fait l'objet d'un article sur ce blog :
*
Ajout en 2025
Aujourd'hui, mon roman La Perle rouge est publié.
Et entre temps, en 2022, j'ai pu découvrir mes chandeliers en couleur (car ce que je n'avais pas dit, c'est que la photo dans le livre d'art était très belle, mais en noir et blanc). J'ai raconté cette histoire sur ma page facebook. Comme c'est dommage de ne la laisser que là, je recopie ici le texte alors publié (avec les liens qui vous permettront d'aller admirer les chandeliers).
23.12.2022
Une histoire de chandeliers.
En train de faire les derniers ultimes finaux (je crois 😉) remaniements dans mon roman "La Perle Rouge" (dont je vous dis depuis tant d'années qu'il est presque fini que je n'ose plus promettre grand chose).
Dans ce roman, il est question de sept objets, et je tiens à ce que chacun de ces sept objets s'inspire d'un objet réel.
Ce soir, je devais retravailler quelques passages où il est question des chandeliers, ce qui impliquait de peaufiner un peu leur description. Cela faisait longtemps que je n'avais pas contemplé à nouveau la photocopie de la très belle photo en noir et blanc de la paire de chandeliers qui m'avait servi de modèle. Je l'ai donc ressortie de mon dossier avec émotion.
L'histoire de la découverte de ces chandeliers est en effet une histoire absolument incroyable qui m'est arrivée il y a 7 ans et que j'avais racontée dans un article de blog.
Bref, je regarde la très belle photo en noir et blanc, qui ressortait plutôt bien à la photocopie, mais je me dis que quand même ce serait bien de pouvoir contempler ces chandeliers en couleur, surtout qu'il est question d'émail, mais on ne sait pas de quelle(s) couleur(s), et que je trouverai sans doute une telle photo sur internet. La légende que j'avais ajoutée à la main sur la photocopie indiquait que le double objet était conservé au musée d'Oslo.
Je vais donc voir le site internet de ce musée. Onze œuvres en tout et pour tout y sont présentées, et pas de chandeliers. Mais vers le bas de la page, un lien vers une "database" (base de données) que je suis alors. Je finis par aboutir sur une page de recherche tout en norvégien. Je m'aide d'un traducteur automatique pour trouver que "chandelier" se dit "lysestake" en norvégien (c'est mon premier mot dans cette langue 😅), je tape "lysestake", et... 848 résultats ! Dont près de la moitié avec une photo. 😍
Je fais défiler les pages de résultats, et, soudain, ... les voilà !
Parfaitement reconnaissables !
Mais si différents de ce que j'imaginais, avec leurs couleurs !
Et si beaux !
L'émail est bleu. Exactement le bleu du ciel un jour de très beau temps. Les arabesques d'or incrustées ressortent sur ce bleu de l'émail comme des éclats de soleil en relief.
Je découvre aussi des détails qui m'avaient échappé : le montant n'est pas tout lisse, mais recouvert d'un fin motif gravé d'écailles ; sur les plaques de la base, un bouton en relief ajouré représente un animal, peut-être un dragon, qui se retourne sur lui-même en spirale.
Bref, j'ai voulu vous en faire profiter. Admirez, zoomez, c'est magnifique !
La page originale, avec la notice, cette photo, et d'autres photos est ici :
https://www.unimus.no/portal/#/things/8b50a989-8567-4b5a-8400-cfb05237d575