Je
suis en train de préparer mes nouveaux cours de français pour
l'année à venir. L'introduction récente d'un vidéo-projecteur
dans ma salle permettant de faire certaines activités beaucoup plus
aisément qu'auparavant, par exemple la consultation d'un site
internet avec les élèves, j'ai songé, à l'occasion d'un travail
sur le vocabulaire, à utiliser un site fabuleux que je connaissais
déjà depuis quelques années.
Je
voudrais aujourd'hui vous parler de ce que j'aime depuis longtemps
dans ce site : ce sera mon premier épisode. Puis je vous
dévoilerai une découverte que je viens d'y faire : ce sera mon
deuxième épisode, que je posterai la semaine prochaine.
Ce
site est plus exactement la page « portail lexical » du
site du CNRTL, c'est-à-dire le Centre National de Ressources
Textuelles et Lexicales, qui dépend du CNRS. L'adresse en est la
suivante : http://www.cnrtl.fr/portail/
Il
vous offre la plus riche quantité de choses que vous pouvez savoir
sur un mot, grâce à ses différents onglets. L'onglet
« Lexicographie » reprend intégralement les articles du
meilleur dictionnaire de français en ligne, le TLFi (Trésor
de la Langue Française informatisé),
http://atilf.atilf.fr/tlf.htm,
mais avec des surlignages en couleur qui rendent la lecture des longs
articles plus aisée, notamment pour nos jeunes élèves.
Les
onglets « Synonymie » et « Antonymie » vous
offrent une liste de synonymes et d'antonymes, assortis chacun d'un
bâtonnet plus ou moins coloré qui vous indique la plus ou moins
grande perfection de la synonymie ou de l'antonymie.
Mais
mon onglet préféré, c'est « Concordance ». Cet onglet
propose des citations d'auteurs incluant le mot. Vous me direz :
rien de neuf, c'est ce que font de nombreux dictionnaires, et c'est
ce que font d'ailleurs les articles du TLFi dans la partie
« Lexicographie ». Non, c'est totalement différent, car
ces citations sont générées automatiquement par ordinateur, à
partir d'une autre ressource à laquelle est liée le portail
lexicographique. Il s'agit de la base Frantext, une base de 500
œuvres de la littérature française libres de droit, publiées entre la fin du XVIIIe s. et le début du XXe
s. Pas après, parce qu'elles ne seraient pas encore libres de
droit ; pas avant, parce que – je suppose – on bascule dans
une langue française qui nécessite une traduction en français
moderne (traduction qui, elle, n'est pas libre de droit) et parce que
l'impression, moins régulière qu'au XIXe s. (papier plus épais,
encre plus baveuse, lignes moins droites, etc.), n'a pas pu
bénéficier d'une numérisation aussi facile que les œuvres
ultérieures.
Avec
cet onglet, vous pouvez vous amuser de différentes manières. Si le
mot que vous cherchez est un mot très courant, vous risquez d'être
déçu, car vous ne pourrez pas lire toutes les citations ! Par
exemple, pour le mot « rêve », sur lequel j'ai prévu de
travailler avec mes élèves, il y a 1726 citations ! Mais on
peut s'amuser à choisir un nombre au hasard entre 1 et 1726. Je me
suis prêtée au jeu, en choisissant le numéro 1364, parce que c'est
l'année de naissance de Christine de Pizan, une écrivaine que
j'aime beaucoup et dont j'ai déjà parlé ici :
http://cheminsantiques.blogspot.fr/2017/01/christine-de-pizan-une-feministe-au.html).
Les citations sont rangées de 30 en 30 : il faut donc aller
jusqu'à la page « De 1350 à 1380 », puis compter à la
main. Et j'arrive à une citation de Leconte de Lisle, fort belle, ma
foi, quoi qu'un peu ampoulée pour notre goût moderne : « La
force et la beauté de la terre féconde en un rêve
sublime habitent dans mes yeux. »
Autre
possibilité : vous choisissez un mot plus rare. Vous pouvez
alors lire toutes les citations. Ainsi, dans le cadre de l'écriture
de mon roman La Perle rouge, j'avais cherché il y a quelques
années « escarboucle ». L'escarboucle désigne une
pierre rouge, elle est parfois assimilée au rubis ou au grenat,
c'est aussi le nom que l'on donne à la pierre rouge que les vouivres
portent au front (insérée dans leur crâne sous leur forme de
dragon, sertie dans un diadème sous leur forme de jeune fille).
Enfin, l'atelier du peintre Barthel Bruyn, le héros de mon roman,
s'appelait réellement « A la petite escarboucle » (« Zum
kleinen karfunkel »). C'est d'ailleurs là que la réalité a
rattrapé la fiction, car lorsque j'ai découvert le nom de cet
atelier, j'avais déjà imaginé que ce peintre serait en quête
d'une perle rouge !...
Mais
revenons à notre CNRTL ! Si vous cherchez « escarboucle »
dans l'onglet « Concordance », vous n'avez que 12
citations, que vous pouvez donc lire tranquillement. Plusieurs sont
superbes :
- « la plume de colibri [...] scintillait dans un coin, comme une escarboucle tombée de la couronne du grand mogol » (Charles Nodier)
- « des gnomes à l’œil d'escarboucle » (Victor Hugo)
- « Vénus, l'escarboucle des cieux » (Victor Hugo)
- « Persée, escarboucle des cimes » (Victor Hugo)
- « L'escarboucle de flamme enfouit ses splendeurs » (Louis Bouilhet)
- « L'image de Baal, une escarboucle au front » (Charles-Marie Leconte de Lisle)
- « Oui, l'escarboucle au front comme un fils du prophète » (Léon Dierx)
Ma
préférée de toutes est une citation de Gustave Flaubert, un de mes
écrivains préférés d'ailleurs (bon, c'est vrai, j'en ai beaucoup
de préférés!) :
- « Tu baigneras ton corps dans le lac d'huile rose de l'île Junonia. Tu verras, dormant sur les primevères, le lézard qui se réveille tous les siècles quand tombe à sa maturité l'escarboucle de son front. »
Cette
citation m'a même tellement plu que je l'ai pastichée pour trois
vers d'un poème qui figurera dans La Perle rouge (Allez !
Je vous livre trois lignes de mon roman, soyez contents!) :
« Dormant parmi les œillets, la vouivre se réveille tous les siècles,
Quand
tombe à sa maturité l'escarboucle de son front.
Tu
la verras baigner son corps dans l'onde rose du Rhin. »
La
semaine prochaine, je vous raconterai une découverte que j'ai faite
aujourd'hui sur le portail lexicographique du CNRTL. A suivre...
*
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