Le
cartel de cet objet multiple dit ceci : Cœur aux
intentions : Près de 600 messages ont été rassemblés dans un
cœur en laiton portant l'inscription « Hommage des Pèlerins
du Nord et du Pas-de-Calais, 20 juin 1875 ». Haut-lieu de la
dévotion au Sacré-Coeur de Jésus, le couvent de la Visitation de
Paray-le-Monial se voyait confier les intentions des fidèles y
accomplissant le pèlerinage.
Le
cœur en laiton n'apparaît pas dans la vitrine, mais un cœur en
textile (qui devait être lui-même placé dans celui en laiton). Ce
cœur en textile est éventré et l'on en voit sortir une petite
partie des six cents messages évoqués dans le cartel. Messages
terriblement émouvants sous leurs formes variées : pliés,
découpés, scellés, vites griffonnés ou soigneusement tracés...
L'objet
tel qu'il est exposé dans la vitrine porte aussi une forte charge
symbolique dans la manière dont il se présente : le cœur a en
effet été déchiré, éventré, pour en montrer le contenu ;
mais symboliquement, il s'agit tout de même du cœur de Jésus !
D'autre part, les messages, qui étaient des messages intimes
adressés par des hommes et des femmes à Dieu, se retrouvent pour
certains d'entre eux étalés, visibles, lisibles par tout visiteur
du Musée (et j'y contribue, je l'avoue, puisque j'ai pris cette
photo et que je la publie sur internet, mais l'essentiel des
écritures est flou et peu lisible). Bien que non croyante, je suis
un peu troublée par cette double violation ; et pourtant on a
vu bien pire dans les musées, quand on pense par exemple aux momies
égyptiennes. Je crois que ce qui me trouble ici, c'est la date très
proche de 1875. « Très proche ? » vous étonnez-vous
en fronçant les sourcils. Cela fait plus de 140 ans ! Oui.
C'est peut-être parce que je viens d'une famille où on aime se
transmettre de génération en génération les anecdotes et les
histoires de vie des ancêtres, ainsi que les objets qui leur ont
appartenu, les lettres qu'ils ont écrites. J'ai donc l'habitude de
lire des lignes de cette écriture du XIXe siècle en sachant
parfaitement le nom, l'identité et le lien familial avec moi de
celle ou de celui qui les a tracées. C'est pourquoi en contemplant les messages du
cœur de Paray-le-Monial, avec évidemment une fascination de
voyeuse, j'ai pensé aussi avec un peu de honte que je pourrais lire
le message intime à Dieu d'une de mes arrière-grand-mères.
*
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