Je
vous disais dans l'article précédent que je m'engageais désormais
sur des chemins médiévaux. Toutefois ces chemins finissent toujours
par me ramener aux chemins antiques. C'est aussi le cas avec la ville
de Cologne. Je vous ai parlé de mon roman en gestation qui se
déroule à Cologne dans la première moitié du XVIe s. Je n'ai pas
vraiment choisi ce lieu, qui m'a été imposé par l'étincelle qui a
donné naissance à mon roman, un tableau (suivi de plusieurs autres)
du peintre Barthel Bruyn, actif précisément à Cologne à cette
époque. Or, au fur et à mesure que je me renseignais sur cette
ville, elle est devenu bien plus que le simple décor du roman,
presque un personnage à part entière !
Et
ce dès sa fondation, qui nous plonge d'emblée dans les débuts
sanglants de l'empire romain. Sa création proprement dite remonte à
38 ou à 20 (selon les sources) av. JC, lorsqu'Agrippa, le meilleur
ami d'Octave-Auguste (1er empereur romain) et son futur
gendre, installe sur le bord romain du Rhin une colonie de peuplement
pour les Ubiens, tribu germanique venu de l'autre côté du Rhin,
mais malmenés par les autres tribus germaniques en raison de leur
alliance avec les Romains. Ce n'est donc d'abord qu'une sorte de camp
militaire amélioré qui s'appelle «Oppidum des Ubiens »
(« Oppidum Ubiorum »). En 8 ou 5 av. JC, elle accueille
un autel du culte d'Auguste (en faisant donc ainsi une sorte de
« capitale » de la Germanie (en Gaule, un semblable autel
était installé à Lyon, ce qui en faisait la « capitale »
des trois provinces gauloises)), et elle prend le nom d' « Autel
des Ubiens » (« Ara Ubiorum »).
Or,
en 15 ap. JC, un an après la mort d'Auguste, son petit-neveu
Germanicus, un jeune homme brillant et apprécié de nombreux
Romains, dirige les légions romaines stationnées sur les bords du
Rhin. Les hommes de pouvoir n'ont pas attendu notre siècle pour
comprendre l'effet positif sur le peuple de s'afficher dans leur vie
familiale. Germanicus a donc emmené avec lui sur le front sa femme
Agrippine enceinte et ses trois premiers enfants, dont le plus petit
a droit à un petit costume de légionnaire romain ajusté à sa
taille, qui le fait surnommer affectueusement par les soldats
« Caligula » (c'est-à-dire « Petite caliga »,
la « caliga » étant la sandale du légionnaire), surnom
qui restera dans l'histoire quand des années plus tard il deviendra
empereur. Agrippine accouche dans l'oppidum même : le quatrième
enfant du couple est une fille, elle est nommée « Agrippine »,
comme sa mère. Oui, c'est celle que vous connaissez, c'est la mère
de Néron.
En
50 ap. JC, cette petite Agrippine, après les morts (suspectes?) de
ses deux premiers maris, est mariée depuis un an à son oncle
Claude, empereur. Ce dernier décide d'honorer le lieu de naissance
de sa femme en lui donnant le statut officiel de colonie romaine. La
ville s'appellera désormais « Colonia Claudia Ara
Agrippinensis » (« Colonie claudienne, autel
d'Agrippine ») ou selon une variante « Colonia Claudia
Ara Agrippinensium » (« Colonie claudienne, autel des
Agrippiniens »).
Je
ne crois pas qu'il existe beaucoup d'autres villes dans le monde qui
tirent leur nom (« Cologne » ou « Köln » est
le « Colonia » de « Colonia Claudia Ara
Agrippinensis ») et leur fondation d'une personne née à cet
endroit ! Et pas n'importe quelle personne : peut-être la
femme à la réputation la plus sulfureuse de toute l'histoire
romaine, accusée d'avoir été l'amante de son frère Caligula, du
philosophe Sénèque, et de bien d'autres, accusée d'avoir
empoisonné ses trois maris successifs et bien d'autres personnes ;
mais qui sait combien de ces accusations étaient fondées ?
C'est aussi une tragique figure de mère, qui doit sa mort à son
propre fils et qui, quand arrive le soldat envoyé par Néron chargé
de l'exécuter, lui demande de « frapper au ventre »...
*
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