Je ne le connaissais pas du tout et je trouve qu'il mériterait d'être plus connu en ces temps de discussion et d'interrogations sur l'éducation. L'idée principale en est que l'éducation ne doit pas passer par une découverte ludique, mais doit être sérieuse, grave, voire ardue et ennuyeuse. Je ne suis pas tout à fait d'accord avec cette idée, moi pour qui la découverte de la pédagogie Freinet ou de "La main à la pâte" a été un choc psychologique.
Toutefois, je commence justement depuis un ou deux ans (j'ai six ans de pratique) à me remettre en question à ce sujet (en tant que professeur de latin, je me sens très concernée par cette question "ludique or not ludique?"). Ce qui m'a beaucoup intéressée, c'est l'argument d'Alain : selon lui, les élèves à qui l'on propose l'éducation comme un jeu vont trouver cela très plaisant, certes, mais vont plus ou moins consciemment mépriser l'enseignant qui "fait l'enfant" ainsi, tandis que si on leur propose un travail plus difficile, laborieux, sérieux, cela correspond à leur secret désir de devenir des hommes, de sortir de leur état d'enfant. C'est tout le discours de ceux d'entre nous qui pensent qu'il ne faut pas avoir peur de mettre nos élèves devant les grands classiques difficiles plutôt que de se limiter à la « littérature de jeunesse » sous prétexte qu'il n'y a que cela qu'ils comprennent.
Il y a autre chose que j'ai trouvé très intéressant: souvent, on oppose pédagogie de découverte et cours magistral. Or, Alain n'apprécie ni l'un ni l'autre. Pour lui, les deux choses essentielles d'un cours, ce sont la lecture (dans toutes les matières, lecture d'un texte ou lecture du cours) et les exercices (s'exercer des dizaines et des dizaines et des dizaines de fois sur la même chose, pour que cela rentre vraiment). Il observe - non sans une certaine malice, je crois!- que le meilleur cours selon lui est un cours dont le professeur ne sort pas fatigué: il n'a pas passé des heures à préparer son cours, il n'a pas usé sa voix à parler, il ne va pas passer la nuit à corriger des devoirs complexes, mais il vérifie que tous les élèves lisent silencieusement le cours, puis il passe dans les rangs pendant les exercices, répond à une question, donne un conseil, éclaire une remarque.
J'aime aussi beaucoup quand il dit que même les instituteurs de l'école primaire doivent être très cultivés, mais pas cultivés par les résumés que leur auront fait leurs propres enseignants, mais cultivés à la source, ayant eux-mêmes lu les grands auteurs; et que, bien sûr, ils ne vont pas ressortir toute cette science dans leurs cours pour les petits, mais que cela peut parfois éclairer avec une grande précision une question judicieuese. Là, je pense à mon émission favorite: "Les p'tits bateaux" sur France Inter (le dimanche de 19h30 à 20h), où de grands spécialistes répondent à des questions d'enfants.
Bref, je trouve que nos grands pontes de l'Education Nationale feraient mieux de relire ces propos sur l'éducation d'Alain (qu'on soit d'accord ou pas avec lui, sa rélexion fournie et intelligente fait se poser des questions) plutôt que de pondre des réformes qui ressemblent à un habit d'Arlequin mal cousu! D'ailleurs, il a même des idées qui évoque le socle commun (il parle de la nécessité absolue de savoir lire et compter avant toute chose), mais quand il le dit, ça ne tombe pas du ciel sans queue ni tête comme dans la loi Fillon, ça s'inscrit dans une réflexion mûrie et bien construite.
J'oubliais, pour ceux qui se sentiraient tentés de le lire: c'est très agréable à lire, les chapitres font une ou deux pages, il y a plein d'exemples et d'anecdotes clairs et souvent amusants; parfois, il se répète un peu, mais on peut sauter des passages...
Bonne lecture, et surtout bonne réflexion.
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