jeudi 18 avril 2013

De l'Akkadie à l'Acadie en passant par l'Arcadie


Je sursaute toujours en entendant parler des « Acadiens », je crois qu'il s'agit des « Akkadiens » de ma chère Mésopotamie, puis je suis déçue : il n'est question que d'Américains! Toutefois, je me suis toujours demandé s'il n'y avait pas un rapport.
J'ai enfin eu la réponse. Non, mais c'est quand même intéressant! L'origine des « Acadiens » a bien trait à l'Antiquité, mais pas mésopotamienne.

En 1524, Giovanni Verrazano, navigateur florentin au service de François Ier et soutenu financièrement par des banquiers italiens de Lyon et d'autres villes de France, atteint une région à laquelle il donne le nom d' « Arcadie », nom qui se transforme vite en « Acadie ».

Alors, pourquoi « Arcadie »? Il s'agit d'une région montagneuse de la Grèce centrale. Cette région a surtout été idéalisée par des poètes grecs comme Théocrite, poète grec du IIIe s. av. JC, qui écrit un recueil de Bucoliques, c'est-à-dire « Bouviers », les bouviers étant considérés comme les plus nobles des bergers. Dans ces poèmes, il est certes question de vaches (et aussi de chèvres et de moutons), mais surtout de jeunes bergers et bergères pleins de grâce, de leurs chants et de leurs amours. De nombreux auteurs antiques reprendront ce thème de la vie idéalisée et de l'amour simple et naïf des bergers (parmi les plus célèbres, le roman de Longus, Daphnis et Chloé, ou encore le recueil de poèmes Les Bucoliques (aussi!) du poète latin Virgile). Puis les XVIe, XVIIe et XVIIIe s. européens verront exploser le thème dans la peinture, la poésie, les romans (L'Astrée d'Honoré d'Urfé), les opéras, les chansons (« Il pleut bergère »), etc. Or, dans la plupart de ces oeuvres, les bergers en question sont situés en Arcadie, non pas la vraie Arcadie, mais une région tout aussi idéalisée que le sont les bergers qui la peuplent. C'est le cas par exemple dans ce tableau de Poussin que j'aime énormément et précisément intitulé Les Bergers d'Arcadie! Des bergers y déchiffrent une inscription latine sur un tombeau : « Et in Arcadia ego » (mot à mot « Même en Arcadie moi », c'est-à-dire, « Même en Arcadie, je suis là »), variation des tableaux de Vanités, introduisant la présence de la mort même au milieu du cadre le plus idyllique.
Pour le Florentin du début du XVIe s. qu'était Verrazano, on est en pleine redécouverte de l'Antiquité, le thème de l'Arcadie heureuse n'est pas encore un cliché éculé, mais une image pleine d'espoir!
L'histoire de l'Acadie par la suite a été mouvementée, comme vous le savez ou comme vous le découvrirez en lisant d'autres articles sur la toile ou ailleurs (car je suis peu compétente en histoire de l'Amérique). Aussi, si les Cajuns de Louisiane savent qu'ils se rattachent aux Acadiens d'Acadie et que ceux-ci puisaient leurs origines en France, ils se souviendront aussi que, par leur nom, ils se rattachent au Arcadiens de l'Antiquité grecque (mais pas aux Akkadiens de la Mésopotamie!) et que leur harmonica n'est peut-être pas si éloigné de la flûte de Pan des bergers d'Arcadie...

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