jeudi 29 novembre 2012

Le plan de métro de l'Empire romain

Connaissez-vous la table de Peutinger? Oui? Non? Bon, je vous résume de quoi il est question.

L'objet matériel que nous possédons date du XIIIe s., le nom de Peutinger vient de l'humaniste du XVIe s. qui l'a possédé et étudié. Mais surtout, c'est la copie d'un document antique, dont on ne peut vraiment dater un « original », vu que plusieurs versions se sont succédées avec des mises à jour partielles (ce qui fait qu'on y voit à la fois Pompéi, détruite en 79 ap. JC et Constantinople, fondée en 328 ap. JC!).

De quoi s'agit-il? Une carte de l'Empire romain... Eh non! Pas une carte! En effet, les distances, les proportions, les directions ne sont pas respectées, et c'est à dessein, car le but est d'indiquer des itinéraires pour les voyageurs. Si on avait voulu représenter tout l'Empire romain avec les bonnes proportions, il aurait fallu un document immense, impossible à plier ou à rouler, tandis que là, c'est un assemblage de douze parchemins mis bout à bout, qui devait être aisé à rouler.

Pour mieux comprendre le principe, vous pouvez penser à un outil moderne qui utilise la même méthode que la table de Peutinger : il s'agit de ces plans de lignes de bus ou de métro, que vous avez dans le véhicule lui-même, souvent au-dessus de la porte : l'itinéraire d'un terminus à l'autre y est représenté par une ligne droite, alors que le trajet réel fait des courbes, la distance entre les stations y apparaît égale, alors qu'elle peut être très variable, surtout entre le centre-ville et la banlieue. Pourtant, le voyageur comprend : il n'a pas besoin d'une vraie carte, mais d'un outil pratique qui lui permette de retrouver son itinéraire. C'est exactement le principe de la table de Peutinger.

Pour plus d'informations, voyez la page « Wikipédia » sur la table de Peutinger, qui est plutôt bien faite.

Ajout le 29 août 2013 :
Ou plutôt, pour aller plus loin et comprendre quelle était probablement la véritable fonction de la Table de Peutinger, je vous invite à consulter l'article qui y est consacré dans le blog de Philippe Cibois, La question du latin :
http://enseignement-latin.hypotheses.org/4459 

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Si je vous en parle aujourd'hui, c'est pour vous signaler l'existence d'un site internet remarquable, qui a traité les informations de la table de Peutinger par informatique, pour en faire un site un peu semblable à ce qu'est le site « Vianavigo » pour les Franciliens (qui vous donne un ou plusieurs itinéraires possibles en transports en commun d'un point à un autre d'Ile-de-France, avec le temps de parcours et le nom des stations). Encore une fois, me voilà à comparer le réseau routier de l'Empire romain à un réseau de métro moderne!

Bref, voici le site : « Omnesviae » (ce qui signifie « toutes les voies »)

D'abord, prenez le temps et le plaisir d'explorer la carte que les auteurs du site ont reconstituée. Vous pouvez zoomer ou prendre de la distance, c'est le même principe que sur « Google Map » ou « Google Earth ». Posez votre souris sur le point représentant une ville, vous avez son nom latin (cela vous sera utile tout à l'heure). Cliquez sur ce point, une bulle s'ouvre qui vous indique un lien vers un autre site où vous pouvez voir le détail correspondant de la vraie table de Peutinger.

Une fois que vous avez fait ce petit tour de reconnaissance, allez-y, lancez-vous! Tous les trajets sont permis! Pour moi, mon trajet préféré est celui qui va de Mandeure (en latin Epomanduo), petite ville romaine (on peut encore y voir un théâtre assez bien conservé sous sa couche de gazon) la plus proche du Pays de Montbéliard, d'où est originaire ma famille maternelle, à Babylone, ville de l'Antiquité la plus proche de Najef, d'où est originaire ma famille paternelle. Allez, vous me suivez? « Ab Epomanduo ad Babylonia » (« De Mandeure à Babylone ») (d'ailleurs, l'accusatif et l'ablatif ne sont pas respectés, mais ça compliquerait les choses inutilement), je clique sur « Ostendere » (« Montrer »). Résultat :

Sur la colonne de gauche :

« Iter brevissimum

Ab 'Epomandvo' ad 'Babylonia'
Summa MMMVI Milia Passuum / Leuga Gallica.
Fere CCI dies. »

c'est-à-dire : « Chemin le plus court de Mandeure à Babylone. En tout 3006 milliers de pas / lieues gauloises [on ne peut pas convertir en km, car les distances indiquées sur la table de Peutinger étaient selon les régions soit en « milliers de pas » (1481m) soit en lieues gauloises (2415m)]. Environ 201 jours. »

Puis l'itinéraire précis, avec le temps de trajet entre chaque ville, les auberges, les grands centres urbains, les fleuves à traverser, les montagnes à franchir.

A droite, la carte, où l'on peut retrouver l'itinéraire pas à pas, par rapport à la géographie moderne.

Personnellement, cela me donne follement envie de prendre un sac à dos et de faire une grande randonnée en suivant ces itinéraires. Pour « Mandeure-Babylone », je ne sais pas si ce sera un jour possible, hélas... En attendant, on peut faire de petits trajets en France. Par exemple, « Lutèce-Mandeure », 18 jours...

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vendredi 9 novembre 2012

Cicéron, le retour

Vous vous souvenez sans doute de l'article que j'avais écrit il y a déjà quatre ans et demi (que le temps passe!) sur Cicéron :
http://cheminsantiques.blogspot.fr/2008/02/cicron.html

J'y avais montré l'ambiguïté de la figure de ce grand homme, lâche et opportuniste par certains aspects, noble et courageux par d'autres.

Si j'y reviens aujourd'hui, c'est que je viens de rencontrer à nouveau Cicéron, complètement par hasard, en même temps, dans deux œuvres de fiction fort différentes, et que cette confrontation m'a amusée.

Je viens de finir la lecture un peu rude (surtout que je l'ai effectuée dans la langue de Shakespeare), mais passionnante d'Imperium de Robert Harris (2006). Ce roman historique est une biographie fictive de Cicéron par son affranchi et secrétaire Tiron. Les défauts de Cicéron, notamment son opportunisme, n'y sont pas cachés, mais sont traités avec un certain humour et le font selon moi ressortir d'autant plus humain. Ses qualités aussi sont là (il sait même renoncer à son opportunisme). Mais le fil conducteur du roman, c'est surtout de nous montrer le pouvoir de l'éloquence : comment, à plusieurs reprises, uniquement grâce à son éloquence, Cicéron est parvenu à des résultats (comme faire condamner un coupable notoire, mais riche et influent, ou se hisser lui-même, sans richesses ni ancêtres de renom, au sommet de l'Etat) qui n'étaient pas prévus dans le monde de la politique romaine aux rouages bien huilés par les trafics d'influences, les lobbies et les mafias.

Or en même temps que je lisais ce roman pour moi, j'ai lu (c'était beaucoup moins long heureusement!) à ma fille C'est quoi ce cirque? (2005), 4e épisode de la série « Les enfants du Nil » d'Alain Surget. J'aime bien l'écriture d'Alain Surget ; j'ai aussi lu de lui, pour mes collégiens, Un royaume pour un cheval, qui raconte le siège d'Alésia  et Le renard de Morlange, qui se passe au Moyen Age. Outre qu'il adopte un point de vue souvent original, qui nous change des énièmes romans historiques pour la jeunesse à la Evelyne Brisou-Pellen (que j'aimais bien au début, mais depuis qu'elle écrit trois ou quatre livres par an, cela devient n'importe quoi!), il a un humour qui ne déplaît pas aux lecteurs adultes, et des personnages, surtout féminins, qui détonnent : des râleuses de premier ordre, débrouillardes, efficaces et qui ne se laissent pas marcher sur les pieds!

Mais revenons à Cicéron, parce que là, Alain Surget m'a fait rire, mais rire jaune. Quelle première approche ma fille aura eu de mon grand héros romain! Les trois enfants héros de la série (et amis fidèles de Cléopâtre), venus à Rome, ont repéré un « homme au nez en bec d'aigle » qui leur a paru plus que suspect. Ils sont persuadés que celui-ci cache une arme dans les plis de sa toge, aussi quand il s'approche un peu trop de Cléopâtre, il le poussent violemment dans le bassin de l'atrium (nous sommes chez César). Du coup, Cicéron (car c'était lui!), vexé, se fâche avec César et Cléopâtre (c'était donc pour ça!!!) et en veut tellement à nos gentils petits héros qu'il les perd volontairement dans les rues mal famées de Subure (qu'est-ce qu'il est méchant!).
Mais ce qui m'a le plus fait rire, parce que cela, ça colle vraiment bien à l'image de Cicéron (l'homme qui a dit « Cedant arma togae », « Que les armes reculent devant la toge », c'est-à-dire devant le pouvoir de l'éloquence), c'est quand César interloqué explique aux enfants qu'ils ont poussé dans l'eau « Cicéron, le plus célèbre avocat de Rome » : l'un des enfants s'écrie qu'il cachait une arme sous son vêtement et Cicéron s'indigne en sortant un rouleau dégoulinant : « Pas du tout! C'est un papyrus! »

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