mardi 1 mai 2012

Google et l'oracle d'Apollon


       La manière dont on effectue une recherche sur un moteur de recherche peut être révélatrice de notre manière de raisonner. J'ai l'habitude – comme, je pense, beaucoup de gens formés à la vieille école des livres, des index et des tables des matières, avant l'ordinateur – de procéder par mots clés. Par exemple, pour une recherche sur les esclaves à Rome, je taperais « esclave Rome Antique ». Or j'ai remarqué que beaucoup d'élèves (et sans doute d'utilisateurs plus âgés) procèdent en posant directement une question à Google, par exemple : « Comment devient-on esclave à Rome? ». Je trouve qu'il y a dans cette attitude quelque chose de très proche de l'homme de l'Antiquité qui interrogeait un oracle!
       Alors, me direz-vous, je devrais me réjouir de ce que mes élèves procèdent comme les hommes de l'Antiquité!
       Hem! Pas tout à fait... D'abord, il est plutôt inquiétant de se positionner face à Google comme face à un dieu.
       D'autre part, tant qu'à imiter les Anciens, il serait bon que l'on tire parti de leurs erreurs aussi, et parmi celles-ci, les erreurs d'interprétation des oracles sont un motif récurrent de la littérature grecque et romaine. Je n'évoquerai que deux des plus célèbres erreurs d'interprétation de l'oracle d'Apollon : Œdipe qui n'avait pas compris de quel père et de quelle mère il s'agissait dans « Tu tueras ton père et tu épouseras ta mère », et Crésus qui n'avait pas compris de quel empire il s'agissait dans « Si tu attaques Cyrus, tu détruiras un grand empire. » (c'était son propre empire!).
       Or les élèves font exactement les mêmes erreurs d'interprétation face aux « oracles » de Google. Je me souviens d'une élève qui devait chercher un tableau du Parmesan représentant un épisode de la mythologie grecque et qui errait consciencieusement dans un site sur les fromages. Et je vous laisse imaginer où sont aller se fourvoyer ceux à qui j'ai eu la mauvaise idée de demander quel poète latin avait célébré la belle « Lesbie »!...

*

       Et pourtant, moi aussi, je l'avoue, je suis allée consulter l'oracle! En fait, je me suis rendu compte que taper une question dans un moteur de recherche n'était pas si absurde, dans la mesure où l'on tombe souvent sur des forums de discussion où la question est abordée (avec des réponses d'une qualité variable, certes!). Mais surtout, j'ai compris que cela pouvait se révéler utile pour chercher la définition d'un mot : en effet, taper le mot seul va nous conduire vers des pages qui abordent la notion, mais qui ne la définissent pas, or en tapant « qu'est-ce que... » on a plus de chance de tomber sur une définition.
       Donc, ce jour-là, je me rends au temple oraculaire et je commence à poser ma question : « Qu'est-ce qu'un... » Mais voilà que la Pythie de Google prend les devants et me propose d'emblée les quatre questions les plus posées par les consultants qui m'ont précédée.
       Et là, stupeur! Car ces quatre questions sont (où étaient du moins, le jour où j'ai consulté Google) : « Qu'est-ce qu'un mythe? », « Qu'est-ce qu'un smartphone? », « Qu'est-ce qu'un blog? », « Qu'est-ce qu'un podcast? »
       Étrange et fascinant de trouver le mythe, l'éternel mythe, mêlé aux dernières inventions technologiques du monde moderne... Et encore une fois (et ce n'est pas moi qui le dit, c'est Google!), l'Antiquité, qui a inventé tous les mythes, est plus que présente dans notre monde d'aujourd'hui!...

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6 commentaires:

  1. Merci pour ce récit vivant, instructif, agrémenté d'un brin d'humour !

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  2. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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  3. Si "qu'est-ce qu'un mythe" ressort en premier parmi les questions les plus posées à Google, c'est peut-être aussi que la plupart des gens ne savent pas ce que c'est !

    Ce qui est malheureusement, a contrario de votre conclusion, une preuve de plus que l'antiquité est maintenant chose inconnue de la plupart des internautes francophones et qu'ils sont obligés d'apprendre ce que c'est par d'autres moyens que l'école.

    Mais peut-être n'est-ce qu'affabulation de mon pessimisme...

    Quoi qu'il en soit, merci pour vos articles que je lis souvent avec plaisir.

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    1. Je ne suis en effet pas si pessimiste! Je ne pense pas que les gens qui se demandent "Qu'est-ce qu'un mythe?" ne savent vraiment pas ce que c'est, mais plutôt que c'est une question universelle... Pas facile de définir un mythe, même pour un professeur de lettres classiques!...

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  4. Alexandra journaliste3 mai 2012 à 10:57

    Bonjour
    Je m'appelle Alexandra je suis journaliste et travaille pour émission qui sera bientôt diffusée sur France 5. Dans le cadre de celle-ci je suis à la recherche de professeurs qui accepteraient de nous faire partager leur passion pour leur métier mais également leur expérience enrichissante auprès de leurs élèves.
    Si cela vous intéresse n'hésitez pas à me contacter!
    Je vous souhaite une bonne journée!
    Alexandra

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  5. alexandra journaliste3 mai 2012 à 11:00

    mon mail alexandratirli.pro@gmail.com

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