vendredi 28 octobre 2011

Encore un passeur de savoir : Sosigène d'Alexandrie.


Vous savez comme j'aime ces « passeurs de savoirs », ces hommes (et parfois femmes) qui se sont trouvés à un moment de l'Histoire au carrefour entre deux (voire plus) civilisations, et qui sont malheureusement souvent assez peu connus, précisément parce qu'ils n'ont été « que » des passeurs, pas des inventeurs.
Je vous ai déjà parlé ici

Aujourd'hui, voici un homme au nom obscur, Sosigène d'Alexandrie. Et pourtant, c'est à cet homme que nous devons le calendrier julien. On peut se douter, en effet, que Jules César, en dépit de sa large culture, ne possédait pas un savoir en astronomie poussé au point de concevoir tout de suite la réforme capitale (et bientôt mondiale) qui porte son nom. On sait, donc, qu'il a été aidé et conseillé par un astronome d'Alexandrie du nom de Sosigène. Mais sur ce dernier, on sait peu de choses. Ce n'était probablement pas lui-même un grand inventeur, mais du moins un très bon vulgarisateur qui a su expliquer les dernières découvertes grecques à Jules César.

Cependant (de même que je l'ai fait pour Bérose et Callisthène), on peut beaucoup imaginer :
  • Peut-être Sosigène a-t-il aussi vulgarisé la science grecque pour Lucrèce, qui est contemporain de César, et dont le De Natura Rerum, outre un splendide poème et un grand traité philosophique, est aussi un livre de physique très technique...
  • Peut-être Sosigène était-il le directeur de la fameuse bibliothèque d'Alexandrie...
  • Peut-être est-ce Cléopâtre (qui était aussi une souveraine éclairée et savante) qui l'a présenté à César...
  • Peut-être Sosigène a-t-il suivi César à Rome, comme Cléopâtre et leur fils Césarion...
Je vous laisse poursuivre ces hypothèses et continuer à rêver sur la vie de cet homme inconnu, mais dont la vie ne fut certainement pas banale...

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mercredi 5 octobre 2011

Pourquoi apprendre le latin ou le grec?

J'avais amorcé quelques pistes sur l'intérêt des apprentissages quels qu'ils soient dans un précédent article :
http://cheminsantiques.blogspot.com/2008/10/quoi-sert-il-dapprendre.html

Ma dernière piste concernait le fait de devenir un citoyen responsable et un être humain tolérant. Je suis récemment retombée sur un texte que j'avais pieusement recopié lorsque j'étais étudiante, un extrait d'un ouvrage de Fernand Robert sur l'humanisme. Or ce texte, que j'avais complètement oublié, part de cette même idée et développe les mêmes arguments que ceux que je donne quand on me demande l'intérêt d'étudier les langues anciennes. Bien qu'écrit il y a plus de soixante ans, il est d'une actualité brûlante et, ce qui ne gâche rien, d'un style délicieux.

« Ce qui est excellent, et que les études classiques seules produisent, c’est l’habitude, acquise dès les plus jeunes années, et pour la vie entière, de penser, non seulement que tout est dit, mais que tout a été déjà senti, éprouvé, que rien ne se passe dans notre âme qui ne se soit déjà passé dans d’autres âmes, et depuis qu’il y a des hommes, et qui pensent, et qui sentent.
Ce dont nous avons besoin par-dessus tout dans notre vie morale, c'est de ne jamais nous croire singuliers, et c'est de ne jamais nous sentir seuls. Il n'est pas humaniste, celui qui dit : « Je suis ainsi, et il faut me prendre comme je suis. » Notre premier mouvement est de nous complaire en nous-mêmes, et toute la morale, tout l'apprentissage de la vie en société, c'est de nous guérir de ce mouvement-là.
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Vous dites que depuis vingt ans que vous avez quitté le collège, vous n’avez pas ouvert un livre latin ni grec, et que, soudain, aujourd’hui, dans un moment de loisir, la fantaisie vous ayant pris (peut-être pour aider votre fils à faire sa version) de vérifier si vous étiez encore capable de traduire une phrase de Tite-Live, vous avez piteusement échoué. Et vous vous demandez si vraiment il valait la peine de passer six ans de votre jeunesse à un travail si dur, pour un résultat aussi précaire.
Mais jamais, dans vos études, le latin n’a été une fin en soi. Même si, n’ayant pas entretenu votre connaissance des langues mortes, vous êtes complètement incapable aujourd’hui de traduire un texte, et, disons plus, même si vous avez été un cancre pendant vos années de collège et si votre incapacité de traduire date de ce temps-là, du moins avez-vous pris, pendant les six années les plus formatrices, l’habitude de penser qu’aucune situation psychologique n’est nouvelle dans l’histoire de l’humanité. S’il vous est resté, fût-ce très confusément, cette idée que vos états psychologiques, vos émotions, vos sentiments, vos désirs, vos pensées, ne sont point particulièrement, singulièrement vous-même, mais vous apparentent à d’autres hommes, et non point seulement aux hommes de votre temps (ce qui serait encore un genre de singularité), mais à des hommes qui vivaient il y a deux mille ans et plus, alors vos études n’ont pas manqué complètement leur but, car ce qu’elles cherchaient par-dessus tout à produire, c’est cette habitude de votre esprit, qui reste intacte, maintenant que vous ne savez plus traduire.
Là vraiment, il y a quelque chose qui reste quand on a tout oublié, et même quand on n’a pas très bien appris. »

Fernand Robert, L’humanisme, essai de définition (Les Belles Lettres, 1946), pp. 137-141.


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