jeudi 25 février 2010

Va te marrer chez les Grecs


C'est le titre réjouissant d'un petit livre qui ne l'est pas moins. Publié en 2008 dans la petite et agréable collection « Mille et une nuits », il s'agit de la traduction d'un recueil de blagues grecques anciennes (titre original : Philogelos).
Comme dans nos blagues d'aujourd'hui, il y en a de très drôles, de décevantes, et d'assez vulgaires. Sans plus de commentaires et juste pour le plaisir, je vous livre mes préférées :
Pour information, ce que le traducteur Arnaud Zucker traduit par « intellectuel », c'est le mot grec « scholasticos »

  • C'est un intellectuel qui rencontre un de ses amis et lui dit : « J'ai entendu dire que tu étais mort. » L'autre lui répond : « Mais tu vois bien que je suis vivant! - Franchement, réplique le premier, celui qui me l'a dit était beaucoup plus fiable que toi. » (22)
  • Un intellectuel, une nuit, monte sur sa grand-mère. Cela lui vaut d'être rossé par son père. « Mais enfin, s'écrie-t-il, ça fait très longtemps que, toi, tu couches avec ma mère, et je ne t'ai jamais rien fait. Et tu te fâches comme ça la première fois que tu me trouves sur la tienne! » (45)
  • C'est un intellectuel qui est à Athènes et qui écrit une lettre à son père. Tout fier de l'éducation qu'il y a désormais acquise, il met en post-scriptum : « J'espère te trouver, à mon retour, sous le coup d'une accusation passible de la peine de mort, pour te montrer comme je sais bien plaider... » (54)
  • C'est un intellectuel qui, apprenant qu'un certain escalier comporte vingt marches à la montée, demande s'il y en a autant à la descente. (93)
  • C'est un instituteur incompétent à qui l'on demande : « Comment appelait-on la mère de Priam? - Nous, en tout cas, répond l'instituteur qui n'en sait rien, par respect on dit « Madame » » (197)

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mardi 16 février 2010

Zorro, le lézard protecteur

Assistant vendredi dernier à une représentation du Carnaval des animaux, de Camille Saint-Saëns (1886), ponctuée du texte brillant et drôle écrit par Francis Blanche (dans les années 1950, je pense) pour l'accompagner, j'ai éclaté de rire à ce passage :
« Sortis spécialement de leur muséum
Messieurs les fossiles :
Les iguanodons, les mégathériums,
Les ptérodactyles, ichtyosaures,
Nabuchodonosor!
Et autres trésors
Des temps révolus,
Sont venus simplement.
Pour prendre l'air,
L'ère quaternaire, bien entendu! »

Le nom de « Nabuchodonosor », mon cher roi babylonien (qui régna de 604 à 562 av. JC) semblait en effet se marier parfaitement aux noms en « -saure » des monstres d'une Antiquité lointaine.
Cette facétie m'a donné l'envie de faire une petite promenade étymologique autour de ces deux racines qui se prononcent toutes les deux « zor » et n'ont pourtant rien à voir entre elles – ni avec Zorro!

Le « -saure » de l'ichtyosaure vient du grec « sauros » = « lézard ». L'ichtyosaure est un « poisson-lézard », le dinosaure un « terrible lézard » et le brontosaure un « lézard tonnant ».

Le « -sor » de Nabuchodonosor vient de l'akkadien « usur ». Celui que nous appelons « Nabuchodonosor » et que les Anglais appellent « Nebuchadnezzar » s'appelait précisément « Nabu kudurri usur », ce qui signifie « Nabu (un dieu babylonien), protège ma descendance! » ; « usur » signifie « protège ».


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lundi 1 février 2010

La bave du chameau n'atteint pas le pavé parisien

J'aurais aimé – mais je n'ai pas pu – participer à la grande manifestation de l'Education Nationale qui a eu lieu samedi dernier (30 janvier), et ce pour tout un tas de raisons qu'il serait trop long d'évoquer ici, raisons qui ne touchent d'ailleurs pas tant l'Education Nationale que tout le service public (hôpitaux, poste, transports en commun, etc.), qu'on est en train de sacrifier, depuis quelques années, sur l'autel de la rentabilité.

Mais en écoutant la radio, le soir, j'ai encore plus regretté de n'avoir pu être présente en apprenant qu'en tête de la manifestation marchait à pas lents... un chameau! Mon animal favori! En effet, le brave animal se prêtait à plusieurs jeux de mots savoureux, deux d'entre eux inscrits sur des pancartes accrochées à son dos : « La réussite de nos élèves ne doit pas rester un mirage. » et « Les ministres passent, les enseignants bossent » (à la fois jeu de mots sur « bosse » et pastiche du proverbe « Les chiens aboient, la caravane passe. »), et le dernier exprimé à l'AFP par Gilles Moindrot, secrétaire général du Snuipp-FSU (principal syndicat du primaire) : « Il symbolise le régime sec auquel est soumise l'Education Nationale ».

En cherchant sur internet des informations plus précises (et une image du fameux camélidé), je me suis livrée à quelques réflexions amères dont voici un résumé.

Le même texte, de deux paragraphes, racontant la présence du chameau en tête de manifestation, figure dans plus d'une dizaine de sites et de blogs différents sans qu'il n'y ait jamais de référence à une source. Je sais, je sais, c'est monnaie courante sur internet, mais c'est la première fois que je voyais cette pratique à si grande échelle.
Petite anecdote amusante à ce propos : le titre passe de « Le chameau brave le froid, les profs aussi » à « Le chameau bave de froid, les profs aussi ». Minimal effort d'originalité ou erreur quelque peu grotesque?

Deuxième constatation consternante : dans plusieurs commentaires de ces blogs ainsi que sur un site dédié à la protection des animaux, on s'indigne du traitement qui a été infligé à ce pauvre chameau, voire de son « exploitation » (avec certaines dérives du genre : « Quand on voit le traitement que les enseignants font subir aux animaux, on comprend celui qu'ils font subir aux élèves »!).
Certains se posent alors la question, tout à fait bienvenue, de savoir s'il s'agit d'un chameau de Bactriane (ou « d'Asie », ou « à deux bosses ») ou bien d'un dromadaire (ou « chameau d'Arabie » ou « à une bosse »), arguant que les premiers sont bien habitués au froid glacial qu'il faisait à Paris samedi dernier tandis que les seconds, pauvres choux, ont plutôt l'habitude de cuire à 50°. Personne n'a toutefois apporté la réponse. De fait, sous la large banderole « snuipp », difficile de distinguer s'il se cache une ou deux bosses, mais la tête bien poilue de notre ami me fait plutôt pencher pour un chameau de Bactriane. Quand bien même il se serait agi d'un chameau d'Arabie ou dromadaire, ces derniers sont également habitués aux froids extrêmes la nuit dans les déserts du Sahara et de l'Arabie. Mais surtout la question me semble absurde : les syndiqués n'ont pas pris l'avion pour Abu Dhabi pour en rapporter un chameau! Il est évident que cet animal vit en France, probablement dans la région parisienne, voire qu'il y est né, et qu'il ne vit pas sous serre pendant l'hiver. Je ne vois donc pas ce que cela changeait pour lui d'arpenter le pavé parisien plutôt que son parc. Un peu moins d'herbe à brouter, sans doute? Gageons qu'on peut rester plus longtemps sans herbe dans le désert de Gobi qu'au cours des quelques heures d'une manifestation de l'Education Nationale!
Passée la question du froid, je ne vois pas de quelle exploitation on pourrait parler. La charge des pancartes et des banderoles telles qu'on les voit sur la photo me semble risible comparée aux chargements monstrueux que les chameaux transportent sans peine dans leurs régions d'origine...

Toute cette histoire me rappelle un magnifique passage du roman de Michel Tournier, La goutte d'or : Idriss, le héros, après avoir joué comme figurant dans une publicité où figurait aussi un chameau (qui, pour le coup, est un dromadaire), et devant le mener aux abattoirs (il finira heureusement au Jardin d'Acclimation), traverse tout Paris avec son chameau...
« La silhouette ridicule et navrée surgissant dans l'aube grise et pluvieuse de Paris ébahissait les passants et agaçait les sergents de ville. » Michel Tournier.


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