lundi 27 avril 2009

Idées reçues sur les Romains

J'avais entrepris sur mon site de casser quelques idées reçues sur le latin et les Romains sur cette page :
http://pagesperso-orange.fr/patrick.nadia/Vrai_faux_latin.html
(Il faut d'abord faire le test vous-même, puis aller à la fin de la page voir le lien vers les réponses.)

Or j'ai découvert récemment une page qui va dans le même sens, mais qui, bien que ne contenant que quatre articles, est beaucoup plus documentée que mon humble travail :
http://www.class.ulg.ac.be/ressources/dossiers.html
Je n'ai malheureusement pas pu trouver le nom de l'auteur, à qui j'aurais aimé rendre hommage, mais c'est un professeur de l'Université de Liège. Il adopte une démarche scientifique rigoureuse. Il ne veut croire que ce qui est prouvé par les textes et l'archéologie, et ses démonstrations absolument imparables sont parfaitement convaincantes.

Ajout le 11 mai 2009 : Je connais maintenant le nom de ce savant homme : il s'agit de Michel Dubuisson, malheureusement décédé en novembre dernier.

Lien actualisé en 2017 : http://web.philo.ulg.ac.be/antiquite/wp-content/uploads/sites/5/2017/04/MDubuisson_Ideesrecues.pdf

Allez y voir, cela vaut vraiment le coup : vous y découvrirez que les gladiateurs ne disaient pas « Ave Caesar, morituri te salutant » (« Ave César, ceux qui vont mourir te saluent »), que les spectateurs romains ne levaient ni ne baissaient le pouce pour demander la grâce ou la mort des gladiateurs, que Caton n'a pas vraiment dit « Delenda est Carthago » (« Il faut détruire Carthage ») ni César « Tu quoque fili » (« Toi aussi mon fils »)!...

Tout s'écroule, alors, me direz-vous. Eh bien oui! En ce qui concerne l'Antiquité, bien souvent ce que l'on croyait être des faits historiques se révèle être le fruit d'écrits fantasmatiques, de fausses interprétations et de manipulations politiques, qui commencent dès l'Antiquité (par exemple l'histoire de Caton l'Ancien et de Carthage est à resituer dans le cadre des oppositions politiques au sein du sénat de Rome au IIe s. av. JC) et se poursuivent jusqu'à nos jours (je pense à la récupération de l'image de Vercingétorix et des Gaulois dans la France du XIXe s., mais on pourrait certainement trouver des exemples plus récents!)
C'est finalement la même chose que les légendes de Sémiramis ou de Sardanapale, que j'aime évoquer (cf. http://pagesperso-orange.fr/patrick.nadia/MesopotamieGrecs.html ou http://pagesperso-orange.fr/patrick.nadia/Babylone.html), véhiculées par les textes antiques grecs, puis latins, puis par les textes et l'art pictural d'Europe du Moyen Age à nos jours, mais qui n'ont que très peu à voir avec la réalité historique mésopotamienne. Evidemment, c'est un peu plus dur à admettre pour ces faits de la culture romaine que tous les honnêtes spécialistes que nous sommes croyaient avérés!

En tout cas, pour ma part, c'est juré, je ne referai plus jamais mon cours de latin de 4e sur les gladiateurs dans lequel j'explique à mes élèves « Morituri te salutant » et l'histoire du pouce. Au contraire, je leur résumerai ou leur ferai lire ces articles. Si cela peut leur apprendre à avoir l'esprit critique et à ne jamais s'appuyer sur un argument d'autorité, j'aurai rempli mon rôle de pédagogue!


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lundi 13 avril 2009

Zénobie, une reine multiculturelle

Je ne vais pas dans cet article vous faire une biographie de Zénobie, la célèbre reine de Palmyre qui régna au IIIe s. ap. JC et nargua l'empire romain, allant même jusqu'à s'en prétendre impératrice, avant d'être vaincue par l'empereur Aurélien et emmenée en captivité à Rome. Il y aurait trop à dire sur elle. Je désire juste souligner quelques traits qui me plaisent dans son histoire.

D'abord, c'est une femme de tête et qui ne se laisse pas faire, comme je les aime.
Ensuite, son royaume, l'oasis de Palmyre, en plein désert de Syrie (au marges de ma chère Mésopotamie) est un de ces fameux petits royaumes entre l'Orient et l'Occident qui ont eu un temps leur heure de gloire, comme ceux dont je vous ai déjà parlé, la Commagène d'Antiochos au Ier s. av. JC ou l'oasis de Hatra des Sanatruq aux IIe et IIIe s. ap. JC.
Enfin et surtout, elle concentrait en elle-même un tel mélange de cultures qu'on ne sait pas bien ce qu'elle était! Elle n'était pas d'origine palmyrénienne, étant venue pour en épouser le souverain. Selon les sources, elle se disait arabe ou égyptienne ; mais « égyptienne » ne semble pas signifier vraiment d'origine égyptienne, mais alexandrine, de la famille des Ptolémée et Cléopâtre, c'est-à-dire en fait macédonienne, donc de culture grecque. Vous me suivez?
Quoi qu'il en soit, il semble qu'elle connaissait parfaitement bien le syriaque (ou sa variante le palmyrénien), l'égyptien, le grec, et un peu le latin!


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lundi 6 avril 2009

Le jeune homme au bain

Je suis en train de lire des contes coquins de La Fontaine, tout aussi plaisants que ses célèbres fables animalières, mais d'un tout autre registre et à ne pas mettre sous des yeux enfantins! Toutefois, bien que ces histoires soient souvent très crues, notre aimable La Fontaine n'a rien des Laclos, Casanova et Sade du siècle suivant : chez lui, nulle perversité, nulle brutalité, mais des plaisirs réciproques, de la fraîcheur, et beaucoup d'humour, souvent dans la chute de l'histoire.

Le conte que j'ai choisi d'évoquer pour vous aujourd'hui s'appelle « Le cas de conscience ». C'est un des rares où il n'y a pas de passage à l'acte (gardons un peu de pudeur dans ce blog!), mais ce qui m'a surtout plu, c'est qu'il inverse un célèbre motif de la littérature et de l'art pictural, depuis Artémis et Actéon dans la mythologie grecque ou Bethsabée et David dans la Bible : celui de la femme au bain surprise par le regard d'un homme.
Ici, c'est au contraire la bergère Anne qui surprend un jeune garçon se baignant nu dans la rivière. La description de la scène est d'une beauté et d'une grâce dont je veux vous faire profiter:
« Anne ne craignait rien ; des saules la couvraient
Comme eût fait une jalousie :
[le sens de « jalousie » est bien sûr ici celui d'un volet à fentes étroites]
Ça et là ses regards en liberté couraient
Où les portait leur fantaisie ;
Ça et là, c'est-à-dire aux différents attraits
Du garçon au corps jeune et frais,
Blanc, poli, bien formé, de taille haute et droite,
Digne enfin des regards d'Annette.
D'abord une honte secrète
La fit quatre pas reculer,
L'amour huit autres avancer ;
[...] »
Bref, Anne est cependant si sage qu'elle s'éclipse dès que le garçon sort de l'eau, craignant qu'il ne profite de la situation s'il l'apercevait, et si scrupuleuse qu'elle révèle toute l'histoire au curé lors de sa confession. Ce dernier fait les gros yeux :
« C'est, dit-il, un très grand péché.
Autant vaut l'avoir vu que de l'avoir touché. »
Et il lui impose un tribut à payer. Elle lui apporte alors un brochet (que vient de lui offrir après l'avoir pêché – devinez qui! – Guillot, le fameux beau garçon, qui semble entre temps avoir gagné sa sympathie!). Le curé lui demande d'accomoder ce poisson chez elle et de le lui apporter, car il a justement invité de nombreux confrères à dîner. Ces derniers arrivent, on discute, on boit, on commence le dîner, on achève le dessert... Anne ne revient toujours pas avec le brochet! Elle a finalement préféré s'en régaler avec Guillot! Le curé, furieux, l'envoie chercher. Mais la jeune fille ne se démonte pas :
« Anne dit au prêtre outragé :
Autant vaut l'avoir vu que de l'avoir mangé. »

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