vendredi 13 juillet 2007

Zip zap clic


Je ne suis pas une vieille ringarde conservatrice de la langue française. Je sais que l’idée d’une langue pure et correcte est une invention née au XVIIIe siècle avec l’Académie Française, par une volonté politique, mais que dans la réalité pratique, toute langue évolue, et je suis toujours ravie d’accueillir de nouveaux mots.
Mais je voudrais m’en prendre aujourd’hui à une certaine évolution qui me semble inquiétante : c’est celle qui consiste à faire entrer de plus en plus d’onomatopées dans la langue, et à les transformer en noms et en verbes.
Admettons que « zapper » et « cliquer » ont obtenu leurs lettres de noblesse puisqu’ils sont apparus en même temps que des objets nouveaux, la télécommande et la souris d’ordinateur, pour l’usage desquels il a bien fallu inventer de nouveaux verbes. Mais quelle n’est pas ma surprise, en feuilletant des catalogues de vêtements, de découvrir qu’un velcro est appelé un « scratch », une fermeture éclair un « zip » et un bouton pression un « clip ». Le ridicule est atteint quand j’entends dans une boutique une petite vendeuse à peine plus âgée que mes élèves m’expliquer sur un ton supérieur : « Vous voyez, Madame, ça se zippe, ça se scratche, ça se clipe… », ou pire « ça se déclipe » ! J’ai remarqué aussi qu’on ne dit plus qu’un ballon éclate, mais qu’il « claque », ni qu’un avion s’écrase, mais qu’il se « crashe » (je sais que ce mot vient de l’anglais, mais « crash » en anglais a bien une origine onomatopéique).
A quand « pschitter » pour « se dégonfler » (on l’a frôlé avec le « ça a fait pschitt » de notre ancien président, mais c’était heureusement de l’humour) ou pour « vaporiser », à quand « boumer » pour « exploser », « slurper » pour « aspirer » ou « smaquer » pour « embrasser » ?
Il y a quelques années, un brigadier de police intervenant dans une de mes classes de 3e pour une prévention de la toxicomanie faisait remarquer aux élèves que certains surnoms de drogues (« beuh », « bobo », « lolo » pour la cannabis, « coco » pour la cocaïne, etc.) ressemblaient à du langage bébé et que l’on voyait par là que l’intelligence des consommateurs de ces drogues régressait ! D’aucuns trouveront sans doute ce raisonnement tiré par les cheveux, mais je pense qu’il ne faut pas le prendre au pied de la lettre, mais retenir l’idée d’une régression.
Et pour terminer cet article par où je l’ai commencé, non la langue française ne s’enrichit pas de ces nouveaux mots, mais elle s’en appauvrit. Si nous continuons ainsi, sans doute dans quelques siècles communiquerons-nous en aboyant…
Remarque (quelques semaines plus tard): Une fidèle lectrice me suggère que si les commerciaux n'utilisent pas les termes "fermeture éclair" et "velcro", c'est que ce sont des noms de marques déposées. On devrait dire correctement "fermeture à glissière" et "bande auto-agrippante". Il faut avouer que c'est un peu long...

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mercredi 4 juillet 2007

Persepolis



(Remarque: sur certains navigateurs (internet explorer par exemple) apparaît ci-dessus une double affiche du film et pas sur d'autres (mozilla firefox par exemple) ; c'est un profond mystère informatique pour moi, surtout que je n'ai jamais mis une seule image sur mon blog! J'imagine qu'elle est venue toute seule quand j'ai voulu activer le lien vers le site du film)

Je m'apprêtais à écrire un article sur Persepolis, le film d'animation de Marjane Satrapi et Vincent Paronnaud, que j'ai vu il y a quelques jours.
http://www.myspace.com/persepolislefilm

Mais comme il fallait s'en douter, mon Patrick m'a précédée:
http://journaldebord-pat.blogspot.com/
(article du lundi 2 juillet). Rien d'étonnant, puisque nous l'avons vu ensemble!
Peu importe, finalement, car mes remarques seront complémentaires des siennes.

D'abord, quelques points de comparaison avec la bande dessinée du même nom (en 4 tomes, aux éditions L'Association): la bande dessinée prend plus son temps, s'attarde plus sur les anecdotes, ses dessins ont le charme spontané du croquis; le film, étant plus dense et plus direct, est beaucoup plus bouleversant, ses dessins se sont enrichis et approfondis, sans doute grâce à l'intervention de Vincent Paronnaud, qui a ajouté des gris aux noirs et blancs de Marjane Satrapi. J'ai remarqué aussi dans ces dessins quelques "intertextes" (ainsi appelle-t-on en littérature des clins d'oeil à une oeuvre connue) : un tableau de Picasso au moment où le corps de Marjane rentre dans sa puberté, Le Cri de Munch face à une scène macabre, et même le monstre "sans visage" du Voyage de Chihiro de Miyazaki, incarné ici par deux mégères voilées de noir de la tête aux pieds!

Mon émotion face à ce film, comme face à la bande dessinée, mais plus encore, est aussi très personnelle. A travers les malheurs de l'Iran, j'entends ceux de l'Irak, que je ne connais pas, mais d'où vient mon père (deux pays souvent en guerre depuis cinq mille ans, mais si souvent aussi se tendant la main à travers un foisonnement d'échanges culturels...). Notre histoire familiale connaît, comme celle de Marjane Satrapi, les jeunes gens enrôlés de force, les arrestations arbitraires, les tortures savantes, les exécutions sommaires, les faux passeports, les traversées de frontières à pied dans les montagnes enneigées, mais aussi les intellectuels résistant toujours, les gens simples révoltés par la barbarie, et l'espoir, et l'humour...


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